Une délégation du gouvernement éthiopien est arrivée, hier, dans la capitale du Tigré pour une première visite officielle depuis plus de deux ans dans cette région rebelle, après un accord de paix signé début novembre. Ce groupe d'officiels de haut rang s'est rendu à Mekele pour «superviser l'application des principaux points de l'accord de paix» signé à Pretoria, a annoncé le service de communication du gouvernement dans un bref communiqué. Il compte notamment le conseiller du Premier ministre à la sécurité nationale Redwan Hussein, plusieurs ministres (Justice, Transports et Communications, Industrie, Travail), le président de la Chambre des représentants, le directeur général de l'autorité en charge des infrastructures routières, ainsi que les P-DG des compagnies Ethiopian Airlines et Ethio Telecom, Mesfin Tassew et Frehiwot Tamiru. La délégation a été accueillie dans la matinée par les autorités régionales dissidentes, dont son porte-parole Getachew Reda, selon des photos publiées par des médias tigréens. Pour le gouvernement fédéral, cette visite «est une preuve que l'accord de paix est sur la bonne voie et progresse». Gouvernement et autorités rebelles ont signé le 2 novembre à Pretoria un accord visant à mettre fin à une guerre qui a ravagé durant deux ans le nord de l'Ethiopie, faisant des dizaines de milliers de morts et plongeant la région dans une profonde crise humanitaire. Ce texte prévoit, notamment un désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l'autorité fédérale au Tigré et la réouverture des accès à la région coupée du monde depuis plus d'un an. Les combats avaient débuté en novembre 2020, quand Abiy Ahmed a envoyé l'armée arrêter les dirigeants de la région du Tigré qui contestaient son autorité depuis des mois et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires fédérales. Le bilan de ce conflit jalonné d'exactions, qui s'est déroulé largement à huis clos, est inconnu. Le centre de réflexion International Crisis Group et l'ONG Amnesty international le décrivent comme «un des plus meurtriers au monde». Depuis l'accord de paix, les combats se sont arrêtés, et les rebelles ont affirmé avoir «désengagé» 65% de leurs combattants des lignes de front. Mais ils dénoncent la présence persistante de l'armée érythréenne et de forces de sécurité et milices de la région éthiopienne de l'Amhara, qui ont toutes deux épaulé l'armée fédérale dans le conflit mais dont les dirigeants n'étaient pas présents aux discussions de Pretoria. Les autorités rebelles, ainsi que des habitants et des travailleurs humanitaires ayant témoigné, les accusent de pillages, viols, exécutions et enlèvements de civils. Les accès au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain. Au terme d'une réunion jeudi, rebelles et gouvernement ont convenu d'un mécanisme de suivi du cessez-le-feu, permettant également de recueillir les plaintes en cas d'abus sur les civils. Sur le volet humanitaire, les opérations se sont amplifiées depuis l'accord de Pretoria, mais l'aide acheminée reste très inférieure aux besoins. La guerre a déplacé plus de deux millions d'Ethiopiens et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon l'ONU pour qui les deux ans de guerre ont rendu plus de 13,6 millions de personnes dépendantes de l'aide humanitaire dans le nord de l'Ethiopie (5,4 millions au Tigré, 7 millions en Amhara et 1,2 million en Afar). Privée d'électricité, de télécommunications et de service depuis plus d'un an, la région connaît par ailleurs une timide ouverture ces dernières semaines. La ville de Mekele a été raccordée au réseau électrique national le 6 décembre et la principale banque du pays, Commercial Bank of Ethiopia, a annoncé le 19 décembre la reprise de ses opérations financières dans certaines villes.