Le directeur de l'Egsa, les chefs d'escale, les pilotes et les voyageurs confirment qu'«il n'y a aucune raison valable de fermer cette structure». Ouverte en 1981, la structure aéroportuaire de la wilaya de Béjaïa n'a pas cessé de faire l'objet de polémiques. De fermeture en fermeture, l'aéroport Abane-Ramdane n'a jamais bénéficié d'une prise en charge de façon à mettre fin au doute et à la suspicion qui naissent presque chaque année. Si certaines fermetures restent justifiées, comme en 2002 et 2003, pour des raisons d'intempéries (inondations) il n'en est pas de même pour celle voulue en mars dernier et présentement. Ces deux dernières sont sujettes à suspicion à bien des égards. Le département des travaux publics, à qui échoit la corvée de l'entretien, brille assez souvent par «une inconséquence déconcertante», disait-on. De l'avis même du personnel de l'aéroport, la direction ne répond pas, dans les délais, aux rapports périodiques concernant la piste. Le retour à la charge, initiée depuis dimanche, à la suite du déplacement d'une équipe «d'experts» n'a pas échappé à la règle. A peine annoncé que déjà le rapport de la commission est suspecté. La session extraordinaire de l'APW de Béjaïa, suspendue avant-hier en signe de protestation contre la fermeture, est venue confirmer tous les doutes qui entourent cette décision de fermeture en pleine saison estivale. Le traitement réservé par le ministère des Travaux publics au dossier de l'aéroport de la Soummam Abane-Ramdane est pour le moins trouble. Un avis unanimement partagé par les représentants de la population de Béjaïa, toutes tendances confondues. Pis encore, la commission dépêchée par le département d'Amar Ghoul est loin de faire l'unanimité tant elle est décriée par tous. La direction des travaux publics et le bureau d'études désigné pour la circonstance, n'étaient pas en reste puisqu'ils ont fait l'objet de critiques acerbes dont notamment «la défaillance». Autant de détails sur lesquels se basent les élus de l'APW pour rejeter la décision mais aussi pour crier au loup. Il faut reconnaître d'emblée que les conclusions de la commission du ministère des Travaux publics sont non seulement «surprenantes» mais aussi pleines de contradictions, pour ne pas dire remettent en cause le jugement émis en mars dernier par une autre commission, plus large encore, en collaboration avec le ministère des Transports. Cette dernière avait, alors, estimé que le lancement des travaux de réfection, certes nécessaires, pouvait être retardé jusqu'à la rentrée sociale, en octobre prochain. Quelles sont donc les nouvelles raisons ayant motivé la ferme décision de la commission des travaux publics de «fermer sur-le-champ» l'aéroport Abane-Ramdane. Les explications fournies, avant-hier, en marge de la session extraordinaire de l'APW de Béjaïa, par les chefs de groupes parlementaires qui ont fait preuve, pour l'occasion, d'une grande unanimité, laissent peser le doute quant aux tenants et aboutissants de cette affaire. Hier, pas une personne n'a contredit les élus aussi bien sur l'état de la piste que sur d'éventuelles réclamations des pilotes. Les entretiens que nous avons pu avoir avec le directeur de l'Egsa, les chefs d'escale, les pilotes et les voyageurs, confirment qu'«il n'y a aucune raison valable de fermer cette structure». Un pilote qui a requis l'anonymat déclarait qu'«en Algérie, il y a des pistes dans un état pire que celle de Béjaïa». M.Kerouche, directeur de l'Egsa, a confirmé la visite «visuelle» de la mission des travaux publics en affirmant de son côté, qu'«aucune réclamation n'a été enregistrée pour motiver une quelconque fermeture». Le premier responsable de la structure précisait que «les travaux de réfection ne nécessitent pas une fermeture et qu'ils peuvent être accomplis dans les heures creuses, entre deux vols ou pendant les journées vides et la nuit». Pour lui, «on n'a pas besoin de fermer pour cela». Sur place, l'activité portuaire se faisait le plus normalement du monde. Aussi bien Aigle Azur que Air Algérie, les rotations sont maintenues telles quelles et aucun changement n'est prévu. Au-delà des arguments politiques qui motivent l'essentiel des déclarations des acteurs politiques, il y a lieu de relever les retombées néfastes sur le développement local, notamment en cette période estivale. Les citoyens de la région estiment que «les enjeux sont ailleurs». La fermeture de l'aéroport ne fera qu'enfermer la région dans le sous-développement alors qu'elle vient tout juste de sortir d'une longue crise tout aussi préjudiciable. Comme les représentants au sein de l'assemblée de wilaya, on estime que «la décision n'est pas dénuée d'arrière-pensées politiciennes et régionalistes». La volonté de mettre la région de Basse-Kabylie en seconde zone, l'empêchant d'accéder au rang de capitale dans la prochaine restructuration de l'administration, «reste manifeste», juge-t-on à Béjaïa. Des élus et même des citoyens vous citeront bien des exemples: «Les cas de la raffinerie, des chantiers d'infrastructures d'utilité publique, quoique datant de plusieurs années, sont au même titre que le port devenu une sorte de gare pour les bateaux à vendre, à la traîne». Il y a donc des signes qui ne trompent pas sur cette volonté de «blocage» voire de «sabotage» et «d'asphyxie de la région», pour reprendre les termes assez répétés depuis l'annonce de la fermeture. «A chaque fois qu'on retrouve la stabilité, on sent une manipulation», suspecte ce citoyen, connu pour son amour pour la paix dans la région.