À quelques semaines du mois sacré du Ramadhan, la question sur les prix des viandes rouges demeure entière. Le groupe public Alviar, qui a été chargé de garantir la disponibilité de la viande bovine à 1200 DA le kilogramme, est certes passé à l'acte, mais des zones d'ombre persistent, provoqués, notamment par les clauses du cahier des charges destiné aux distributeurs nationaux. Les conditions exigées par le document «sont difficiles à satisfaire», estime Sofiane Bahbou, président de la Fédération nationale des importateurs de viande. «Je connais assez peu d'opérateurs pouvant répondre aux conditions du cahier des charges», souligne-t-il. En effet, les établissements susceptibles d'être retenus pour prétendre à la distribution de cette marchandise doivent fournir une longue liste de bouchers-partenaires, disposer d'une flotte conséquente en véhicules frigorifiés, une surface de stockage de 1000 m3 et couvrir cinq wilayas. Il était impossible, hier, de s'informer auprès d'Alviar sur les entreprises ayant retiré le cahier des charges. À ce niveau de l'opération, il est très difficile d'en prévoir le succès. À première vue, l'on peut supposer que l'opérateur public a mis la barre un peu trop haut pour la majorité des acteurs exerçant dans cette filière. Le pays est immense et il est fort peu probable qu'il dispose d'un nombre d'entreprises d'aussi grandes tailles et à même de garantir la couverture des 58 wilayas et les dizaines de milliers de points de vente potentiels. Sofiane Bahbou qui affirme connaître le poids réel de la filière, demeure sceptique quant à la réussite de l'opération, en tenant compte du cahier des charges, tel qu'il a été établi. Il préconise même son abandon et la simplification de l'opération de distribution. «J'ai déjà annoncé la disponibilité de la fédération que je préside à prêter main forte à l'Etat pour le succès de l'opération. Nous mettons tous les moyens de nos adhérents pour ce faire. Mais il est nécessaire de comprendre qu'en compliquant les procédures, Alviar risque de ne pas acheminer la viande à tous les foyers du pays», assure Bahbou qui préconise un retour à un rapport traditionnel entre l'importateur qu'est Alviar et les distributeurs, représentés par des établissements privés de tailles diverses. «Il n'y a pas de raison de ne pas favoriser les grandes entreprises. Chaque distributeur achète la marchandise selon ses capacités. Il n'a d'ailleurs aucune raison de la stocker vu que la viande doit être consommée dans la semaine», assure notre interlocuteur qui prend note de la volonté des pouvoirs publics de casser la courbe inflationniste du mois de Ramadhan. Mais il estime dans le même temps que la complexification de la démarche peut aboutir à un résultat inverse à celui escompté. Il souligne dans la foulée que le seul moyen de stabiliser le marché de la viande en attendant une montée en cadence de la production nationale est de recourir aux importations d'appoint. Une mission que peuvent remplir des acteurs privés, comme cela a déjà été le cas dans le passé. «La viande de boeuf est un produit stabilisateur de toute la filière viande», affirme-t-il, non sans rappeler, qu'un prix raisonnable du kilo de viande impactera celui du poulet, de la dinde et des oeufs. «La chaîne a été brisée en laissant les prix de la viande rouge s'envoler», insiste-t-il. Outre la question de la distribution qui risque de poser problème, l'on retient que Alviar a l'intention d'importer plus de 20000 tonnes de viande rouge pour la consommation durant le mois de Ramadhan prochain. Cette viande «sera distribuée sur l'ensemble du territoire national», a indiqué le conseiller au ministère, Miloud Tria, qui s'exprimait sur les ondes de la chaîne 3 de la Radio nationale. La consommation durant le mois sacré est de l'ordre de 60000 tonnes. L'on apprend par ailleurs que des importations de bétail destiné à l'abattage sont également prévues à hauteur de 10 000 têtes. En tout, les quantités, hors production nationale, qui seront mises sur le marché avoisineront les 50 000 tonnes. Cela peut paraître suffisant à la condition de maîtriser le circuit de distribution. Or, Alviar contrôle 540 points de vente directe qui seront ouverts à l'occasion du mois sacré. Très insuffisant pour une population de plusieurs dizaines de millions de personnes, réparties sur plus de 2 millions de kilomètres carrés. Le reste sera assuré par le biais de conventions signées avec des distributeurs sur le canevas du cahier des charges. Il reste que ce déploiement des pouvoirs publics, s'il réussit, ne concerne que le mois sacré. L'Algérie achètera sa viande beaucoup plus cher après. Mais ce qui peut paraître comme une fatalité n'en est pas une, en réalité. Il faut savoir que le ministère de l'Agriculture a initié une vaste opération de recensement des cheptels. Les résultats de cette opération permettront de connaître les besoins réels du pays. Mais dans tous les cas de figure, il est entendu que l'Algérie a encore besoin d'importer de la viande rouge. L'heure de l'autosuffisance dans cette filière stratégique n'a pas encore sonné.