La viande de bovin à 1200 dinars le kilogramme, c'est possible. Mais plusieurs questions se posent. Il y a d'abord l'acheminement de cette viande du pays de production jusqu'en Algérie. Cette opération nécessite un délai assez long. L'on peut être rassuré sur la disponibilité de cette viande avant le Ramadhan à la condition de l'affrètement d'un avion cargo. Compte tenu du facteur temps, la voie maritime ne garantit pas forcément un arrivage dans les délais souhaités, signale Sofiane Bahbou, président de la Fédération nationale des importateurs de viande. Il affirme pouvoir apporter l'expertise de sa fédération, mais regrette une absence de concertation avec les instances publiques concernées par la régulation des prix de cet important produit, très consommé pendant le mois sacré. Cette rupture de dialogue entre les professionnels et les administrations du Commerce et de l'Agriculture peut conduire à une situation ingérable. Et pour cause, l'autre problème que pose l'importation de viande rouge, telle que préconisée par les pouvoirs publics, tient au circuit de distribution. Alviar, seul opérateur chargé de cette opération d'importation, dispose-t-il d'une flotte de véhicules frigorifiés susceptibles de couvrir l'ensemble du territoire national en quelques jours? La réponse est évidemment non, en raison principalement de l'immensité du pays. L'on devine la frustration des citoyens qui se voient obligés d'acheter de la viande à plus de 2000 DA le kilogramme, alors que le produit qui lui a été destiné est stocké en attente de distribution. À propos de distribution justement, il a été prévu l'ouverture de 114 points de vente à l'échelle du pays. Les responsables qui ont eu cette idée, ne semblent pas réaliser le grand cafouillage qui découlera de cette décision. Dans un pays aussi vaste que l'Algérie, peuplé par plus de 6 millions de foyers éparpillés aux quatre coins du territoire, on voit mal comment 114 points de vente puissent suffire à approvisionner la population. La préconisation des deux ministères, de l'Agriculture et du Commerce, provoquera une crise au lieu de résoudre celle qui existe déjà. Cela pour dire que la solution de confier l'importation de la viande rouge à un seul opérateur ne résout pas le problème de la disponibilité de ce produit, très consommé pendant le Ramadhan, à un prix plus ou moins abordable. Le président de la Fédération nationale des importateurs de viande s'interroge sur le monopole accordé à Alviar sur un produit qui n'est finalement pas subventionné. «Le prix de revient du kilogramme de la viande importée sous vide se situe à 980 dinars le kilogramme, frais de transport et taxes compris. En le revendant à 1200 dinars l'opérateur public réalise un petit bénéfice», fait remarquer Bahbou, soulignant que des importateurs privés s'engagent à ne pas outrepasser la marge bénéficiaire. Et d'annoncer: «Au lieu de confier toute la charge à Alviar, le ministère de l'Agriculture aurait dû associer des importateurs privés pour multiplier les intervenants en amont et en aval de l'opération et donc faciliter la distribution du produit à l'ensemble des bouchers du pays». Pour le président de la Fédération nationale des importateurs de viandes, «un dialogue sérieux avec les pouvoirs publics aurait pu nous permettre de les alerter sur cet aspect des choses». L'autre piste ouverte par les pouvoirs publics pour multiplier l'offre et qui consiste en l'acheminement vers le nord du pays de la viande produite au sud n'est également pas sérieuse. La raison tient d'abord aux quantités de cette viande mises sur le marché. Ainsi, pour toute l'année 2022, il a été enregistré quelques 986 tonnes produites à Adrar et un peu plus à Tamanrasset. Or, les statistiques attestent d'une consommation pendant le seul mois de Ramadhan de quelque 50 000 tonnes de viandes rouges. Le gap est plus qu'immense. C'est dire que l'apport envisagé ne suffira jamais à ramener les prix à des niveaux acceptables pour le portefeuille du citoyen moyen. Sofiane Bahbou, qui confirme ces chiffres, met en évidence la mauvaise solution des deux ministères qui a consisté à vouloir substituer aux importations une production très largement insuffisante. Bahbou note que l'importation n'est pas une fatalité. Il est possible de s'en défaire à terme, mais encore faut-il agir sur la base de données du terrain. Celles-ci attestent d'un fait indéniable, à savoir que «la viande rouge est un produit locomotive dans la consommation des Algériens», note le président de la Fédération nationale des importateurs de viande. «En la rendant indisponible à un prix raisonnable, le consommateur se rabat sur d'autres sources de protéines animales que sont le poulet, le lait et l'oeuf. De fait les prix de ces produits s'envolent. Et tout le monde est perdant», assure-t-il.