Si tous les sportifs de 22 ans qui commettent des erreurs étaient marginalisés par une sanction humiliante, l'Algérie risque d'en perdre beaucoup en chemin. La nouvelle est tombée mardi soir tel un couperet. Elle nous a sidéré comme elle a dû avoir le même retentissement sur bon nombre de gens qui suivent de près le sport algérien. Lamine Ouahab vient d'être radié à vie par le ministre de la Jeunesse et des Sports, M.Yahia Guidoum. Un sportif qui est rayé de la carte du mouvement sportif national cela fait toujours mal au coeur et l'on est forcé de se demander si la sanction est bien celle que mérite le sportif en question. Lamine Ouahab est un de ces jeunes qui aspirent à atteindre un niveau appréciable dans le sport qu'ils pratiquent. Lamine Ouahab n'a pas 22 ans (il est né le 22 décembre 1984) et il est déjà exclu de la famille du sport algérien par une institution censée défendre la cause des jeunes et de tout faire pour qu'ils puissent s'épanouir. Pour cette institution, Lamine Ouahab a commis la faute à ne pas commettre, celle de ne pas répondre à une convocation à une sélection nationale. Convenons que le tennisman algérien a été, en la circonstance, dans l'erreur, mais a-t-on, réellement, pesé le pour et le contre avant de jeter l'opprobre sur lui en le radiant à vie? Il est certain que le ministère dira que oui. On l'a convoqué pour disputer le Algérie-Finlande de Coupe Davis, il a refusé de répondre à cette convocation, il ne pouvait que se mettre dans le rouge, à savoir risquer une sanction. De là à songer à la radiation à vie, il y a un pas que bien des gens n'auraient pas envisager de franchir. Pour le ministère, Ouahab n'aurait jamais dû demander une prime de participation au match en question mais accepter la proposition consistant à lui donner une autre prime en cas de victoire. Là aussi, il aurait, peut-être, mieux fallu attendre que l'athlète s'explique avant de lui asséner le coup de massue. Car, il s'agit là du seul tennisman algérien qui a pu atteindre un niveau mondial. Sa 170e place dans le classement mondial en est une preuve plus que concrète. On dira peut-être que «170e, ce n'est pas terrible» mais sait-on que derrière ils sont des milliers à travers toute la planète à vouloir, coûte que coûte, progresser dans cette hiérarchie. Lamine Ouahab est le jeune algérien finaliste junior dans un tournoi majeur comme celui de Wimbledon et demi-finaliste junior à Roland Garros. Lamine Ouahab est ce tennisman qui a déjà battu des joueurs de la trempe de Rafael Nadal ou Richard Gasquet. Il est ce sportif médaillé d'argent en double lors des derniers Jeux méditerranéens d'Almeria (2005). Il est celui qui détient le titre de champion d'Afrique et qui a fait retentir Qassaman. Il est, enfin, ce sportif vainqueur de tournois internationaux de qualité comme celui de Tunis ou de Casablanca. Pourquoi a-t-il, soudainement, changé vis-à-vis de l'équipe nationale? Il se trouve que, comme beaucoup de sportifs d'élite algériens, il ouvrait droit à une bourse de préparation conformément aux dispositions du décret 91-415 du 2 novembre 1991. Selon lui, cette bourse ne lui était plus versée depuis 2002. Selon ses dires, les services du MJS lui auraient affirmé qu'il était un professionnel et que cet argent il n'en avait pas besoin. Le décret en question ne parle ni de professionnels ni d'amateurs. Il indique seulement (article 3) que peuvent postuler à cette bourse les athlètes classés dans l'une des catégories de performance de niveau mondial ou international. Les candidatures sont proposées par la fédération à une commission ad hoc dans laquelle on trouve un représentant du MJS (articles 4 et 5). Le dossier de Lamine Ouahab a reçu un avis favorable. A partir de là, il était de son droit de demander qu'on lui verse la somme qui lui revenait. C'est bien de dire à quelqu'un de venir défendre les couleurs nationales, il serait bon de satisfaire ses droits auparavant. De toutes les manières, il n'est pas le premier à avoir refusé une sélection. Des footballeurs, avant lui, avaient tourné le dos à l'équipe nationale sans avoir eu à subir les foudres du MJS. Et puis, il s'agit de s'entendre, si réellement on a affirmé à Lamine qu'il était un professionnel, il fallait s'attendre à ce qu'il réagisse en professionnel. Du reste, est-il plus professionnel que certains athlètes de l'athlétisme qui gagnent bien leur vie en participant à des meetings et qui reçoivent, eux, leur bourse de préparation? Lamine Ouahab n'a pas 22 ans, c'est dire qu'il possède une très belle marge de progression. La décision de radiation suppose que l'on a exclu du système un garçon susceptible de se faire un nom dans le circuit international. Si tous les sportifs de 22 ans qui commettent des erreurs étaient marginalisés par une sanction humiliante, l'Algérie risque d'en perdre beaucoup en chemin et si demain ils venaient à briller à titre individuel il ne faudrait surtout pas s'aventurer pour lui tendre les bras et de jouer sur la fibre nationaliste..