Hassan Nasrallah est revenu, via Al Manar, donner la réplique à la propagande israélienne. Le président du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est en train de gagner la guerre contre Israël. En l'empêchant d'envahir le Liban, comme il avait l'habitude de faire, il vient de casser le mythe de l'invincibilité d'Israël. Nasrallah a compris deux choses essentielles dans cette guerre: la durée et le lieu des opérations. Israël a habitué les Arabes à des guerres limitées dans le temps. Il surprend l'adversaire par des frappes rapides, gagne du terrain et négocie ensuite le cessez-le-feu. Cette fois-ci, un grain de sable a enrayé la machine. Le Hezbollah a brisé la logique israélienne en l'empêchant d'avancer sur le terrain. Mieux, il lui a fait subir des pertes énormes. Deuxième élément: Israël a toujours préféré faire la guerre hors de ses frontières. Le choix s'est avéré payant durant les derniers conflits. Les Arabes n'avaient qu'à négocier ensuite la récupération de leurs terres contre la reconnaissance de l'Etat sioniste. Cela s'est produit avec l'Egypte et la Jordanie. La Syrie a toujours refusé de négocier le Golan. Là aussi, Nasrallah a inversé les rôles. Non seulement il empêche Israël d'avancer mais il l'attaque en profondeur sur son propre terrain. Il a commencé par envoyer des roquettes sur les villes proches de la frontière libanaise pour élargir ensuite son champ d'action sur d'autres villes plus lointaines en usant de la formule «au-delà de Haïfa». Dans son avant-dernière déclaration, il parlait d'«au-delà d'au-delà de Haïfa», en démontrant au fil des jours qu'il ne plaisantait pas. Jeudi, il a menacé de cibler Tel-Aviv si jamais Israël décidait de bombarder Beyrouth. La prouesse s'est avérée payante puisqu'un million d'Israéliens ont quitté leurs villes en fuyant vers le sud. Pendant que les autres restent terrés dans des abris sous terre. Sur le plan de la propagande, le Hezbollah a pu imposer sa version en usant des mêmes moyens de communication. Grâce à Al Manar et aux chaînes arabes qui échappent au prisme américain, il riposte au coup par coup. Lorsque les chaînes américaines annoncent l'avancée des troupes israéliennes, il annonce à son tour les pertes subies par l'ennemi et leur déroute. Il met un bémol dans cette guerre médiatique. «Le président américain George W.Bush est responsable de tout ce qui se passe depuis le début de l'offensive israélienne», indique-t-il, estimant que les Israéliens n'étaient que «les instruments» de la politique américaine. «Je dis aux Libanais : n'oubliez pas que c'est cela l'administration américaine qui se dit l'amie du Liban (...) qui dit vouloir que le Liban soit un exemple au Moyen Orient. Le Liban ne sera ni américain, ni israélien, ni un point d'ancrage pour ce que souhaite Bush». Il s'adresse, également, à l'opinion publique israélienne qui suit attentivement ses déclarations, depuis le début du conflit. Il lui explique que ses chefs de guerre, qui viennent d'un autre âge, sont en train de lui faire subir une guerre par procuration. Tous les artifices sémantiques sont brandis par l'Amérique de Bush qui poursuit sa lutte «donquichottesque» contre le «terrorisme». Evidemment, le Hezbollah ne doit pas échapper au lexique ambiant. Israël l'emploie pour désigner ses adversaires, y compris le Hamas palestinien, plébiscité pourtant démocratiquement par les électeurs. Le Hezbollah vient de démontrer qu'Américains et Israéliens sont vaincus. L'objectif principal n'a pas été atteint. En même temps, comme en 1956, le monde arabe se découvre un nouveau leader. La donne est incontournable: celui qui brise l'échine à Israël peut mener les Arabes où il veut. Nasrallah ne semble pas pressé. Il sait que chaque jour qui passe est comptabilisé contre l'ennemi qui a misé sur le facteur temps. Il s'installe donc dans la durée. Il montre à ses ennemis qu'ils sont vulnérables, autant que les chefs arabes, qu'ils peuvent imposer la guerre mais pas son issue. Ils peuvent passer outre la légalité internationale mais ne peuvent vaincre la détermination des peuples. Il montre aux masses arabes que derrière la fragilité arabe, il y avait un semblant de «traîtrise» des gouvernants qu'il met à nu. Dans la foulée, il s'impose en leader incontestable en infligeant la raclée à l'armée israélienne soutenue par une Amérique en perte de vitesse.