«Votre appui est un droit et un devoir. La sécurité arabe est une et indivisible et l'avenir arabe est un et indissociable», dit Fouad Siniora Une délégation de la Ligue arabe devrait se rendre hier soir à New York, avec pour mission de modifier le projet de résolution franco-américain pour mettre fin à l'agression israélienne contre le Liban. C'est là l'une des décisions prises par les ministres arabes des Affaires étrangères réunis hier à Beyrouth. Une source officielle libanaise a, en effet, indiqué qu'une «délégation, composée du secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa et du ministre des Affaires étrangères du Qatar qui représente les pays arabes au Conseil de sécurité de l'ONU, se rendra dès ce soir à New York». Il faut savoir que cette rencontre ministérielle a été convoquée au lendemain de la finalisation d'un projet de résolution franco-américaine qui appelle «à une cessation complète des hostilités, basée en particulier sur la cessation immédiate de toutes ses attaques par le Hezbollah et de toutes ses opérations militaires offensives par Israël». L'on retiendra donc le soutien ferme des Arabes au plan libanais. La proposition syrienne demandant que soit mentionné dans la résolution finale «un hommage au Hezbollah» a été rejetée. Le Premier ministre libanais Fouad Siniora a clairement déclaré: «Les ministres arabes sont venus ici pour soutenir la position unifiée du Liban», a raconté un des participants de la réunion à huis clos. Selon lui, M.Mouallem a insisté, mais les chefs de la diplomatie arabe ont fait bloc derrière M.Siniora. Plan contre résolution Il y a lieu de noter que le projet de résolution franco-américain revient sur le «soutien ferme» du Conseil pour «le respect total de la Ligne bleue», qui marque la frontière entre Israël et le Liban, ainsi que sur le «strict respect par tous de la souveraineté et de l'intégrité territoriale d'Israël et du Liban», préconisant la «délimitation des frontières du Liban, en particulier dans les secteurs où elle est disputée ou incertaine, y compris les fermes de Chebaa» et le «déploiement d'une force internationale au Liban», en sus de la mise en oeuvre totale des accords de Taïf et de résolutions de l'ONU, dont la 1559 qui exige le désarmement de tous les groupes armés au Liban. Ce projet a, rappelons-le, été rejeté par le Liban pour la simple raison que le plan franco-américain fait l'impasse sur des points essentiels, à savoir la nécessité d'un retrait immédiat et sans conditions du Liban de toutes les troupes israéliennes ainsi que sur l'échange de prisonniers entre l'Etat hébreu et le Hezbollah. Quelque peu réconforté par un «sursaut» de dignité des pays membres de la Ligue arabe, le Premier ministre libanais Fouad Siniora, a été on ne peut plus clair: «Nous ne sommes pas satisfaits du projet de résolution en cours de discussion à l'ONU (...) et votre appui est un droit et un devoir. La sécurité arabe est une et indivisible et l'avenir arabe est un et indissociable». Il n'a néanmoins pas pu retenir ses larmes lors de son discours devant les ministres des Affaires étrangères. Le premier objectif de Fouad Siniora était d'obtenir l'aide des pays arabes auprès du Conseil de sécurité de l'ONU aux fins d'arriver à un règlement respectant la souveraineté et la stabilité du Liban. «Nous demandons que soit adoptée aujourd'hui une position arabe, nette et unifiée, en vue d'obtenir une modification du projet de résolution franco-américain présenté au Conseil de sécurité afin de permettre un règlement durable respectant la souveraineté et la stabilité du Liban», a dit le chef du gouvernement libanais, bouleversé. «Un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel suivi d'un retrait rapide de l'armée israélienne et le déploiement jusqu'à la frontière des soldats libanais, épaulés par un contingent renforcé des Casques bleus de l'ONU au Liban sud», constituent la principale revendication du gouvernement libanais. Il a ainsi, réitéré les sept points de son plan global de règlement du conflit, insistant qu'une partie de «ce programme ne plaît pas naturellement à Israël». «L'arabité du Liban n'est pas à mettre en doute», a-t-il dit, la voix étouffée par les sanglots et sous les applaudissements des chefs de la diplomatie arabe. «Nous devons faire notre possible pour que le Liban ne soit plus un exutoire pour Israël et d'autres». Les propos du chef du gouvernement libanais ne sont, en effet, pas dénués de sens puisque ce pays, véritable carrefour entre le monde arabe et Israël,a toujours fait les frais de la situation explosive qui sévit dans la région depuis plus de 50 ans. Le Liban a payé l'entrée des factions palestiniennes dans ses territoires en 1973 par une guerre civile qui aura duré plus de 20 ans. Une guerre d'ailleurs, émaillée d'agressions israéliennes. «Laxisme» arabe Pour revenir à la rencontre d'hier, l'on retiendra également le principe de la tenue d'un Sommet arabe extraordinaire. La première tentative de réunir ce sommet, au début de la guerre, a échoué parce que l'Egypte, l'Arabie Saoudite et la Jordanie s'étaient opposés. D'ailleurs ces trois pays affichent clairement leur opposition au Hezbollah. En tout état de cause, il est clair que les Etats arabes ont très mal géré cette guerre au plan diplomatique puisqu'en échouant à réunir un sommet au début de la guerre, ils subiront les conséquences d'une «paix» qui arrangera plus l'Etat hébreu. Et pour cause, d'ici à ce que les chefs d'Etat arabes se rencontrent, la situation au Proche-Orient aura nettement évolué, d'autant que les responsables militaires israéliens disent avoir besoin d'une semaine pour «finir le travail» d'isolement total du Sud-Liban. La donne aura donc bien changé et la «pression» arabe sur le Conseil de sécurité de l'ONU aura été quelque peu vaine. Et pour cause, si les dirigeants arabes s'étaient, effectivement, réunis au début du conflit, le fameux projet de résolution franco-américain aurait pris en considération la position ferme des Etats du croissant fertile. L'attentisme des Arabes, en ne retirant pas leurs ambassadeurs accrédités en Israël, constitue en soit une grave erreur d'appréciation diplomatique de la situation dans la région. Le Venezuela dont l'implication dans la région est très marginale, a, à ce propos donné, l'exemple en rappelant son représentant diplomatique en poste en Israël. Le «laxisme» des Arabes a donné le temps aux Israéliens pour mettre le Liban à genoux, prenant de fait une avance stratégique sur le terrain dans l'éventualité d'un règlement politique du conflit. L'Algérie, qui se distingue par une position constante sur la question depuis le début du conflit soutient toute position qui conforte la position arabe, Le chef de l'Etat, qui a récemment déclaré: «Ce n'est pas avec des communiqués qu'on fait avancer les choses»,a donné instruction précise à Mohamed Béjaoui, dont la mission principale est d'amener ses pairs à adopter une position constructive. La tenue du Sommet extraordinaire en est une. Aux Arabes de faire preuve de fermeté et d'unité pour sortir durablement la région et le Liban de cette impasse historique.