La réunion extraordinaire des ministres arabes à Beyrouth, qui a donné lieu à l'envoi d'une délégation à New York pour soutenir les propositions libanaises, a permis de combler un grand vide. Le Liban, qui était au début de la guerre seul face à l'agression, a engagé une lutte diplomatique soutenue aussi bien par les pays arabes que par les pays qui n'ont pas cautionné l'agression israélienne. Hier, pour la première fois depuis le début de la guerre, un membre du Conseil de sécurité, en l'occurrence la Russie, a annoncé qu'il n'adopterait pas le projet de résolution considéré comme inutilisable pour la partie libanaise. Il faut rappeler que le Liban par la voix de ses responsables a rejeté le projet de résolution dans sa première mouture. Pour Moscou, « un tel projet, qui est inutilisable pour la partie libanaise, ne doit pas être adopté, parce qu'il ne ferait que conduire à la poursuite du conflit et des violences ». Le Liban a reproché au projet de résolution de ne pas demander le retrait immédiat des troupes israéliennes du sud du Liban. Ce qui est considéré comme une atteinte à sa souveraineté. Pour pallier ce vide, le gouvernement libanais s'est dit prêt à envoyer une force de 15 000 hommes dans les régions du Sud. Le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, a indiqué que ce déploiement permettra à l'Etat libanais d'être la seule autorité dans le pays. Le ministre libanais de la Défense a confirmé l'accord du Hezbollah à cette proposition de déployer l'armée libanaise dans le sud du pays dans la mesure où les ministres du Hezbollah, qui font partie du gouvernement libanais, avaient donné leur appui à cette décision. Cette décision du gouvernement libanais est considérée comme historique puisque c'est la première fois depuis près de quarante ans qu'un gouvernement décide en toute souveraineté de contrôler le sud du Liban. La guerre civile et l'invasion israélienne en 1982 n'avaient pas permis aux autorités du Liban de déployer leur armée au Sud. Le refus d'Israël de se retirer de la partie du territoire libanais où se trouve les Fermes de Chebaa, occupé depuis 1967 et de libérer les derniers prisonniers libanais détenus en Israël ont amené le Hezbollah à refuser d'être désarmé après le retrait d'Israël du Sud-Liban en 2000. Le Hezbollah a toujours situé son action pour atteindre ses deux objectifs, à savoir libérer le secteur des Fermes de Chebaa et obtenir la libération des prisonniers libanais. Le projet de résolution franco-américain se trouve compromis. Le Liban considère que le texte est favorable à Israël et ne prend pas en compte la souveraineté libanaise. La Russie menace d'user de son droit de veto et son vice-ministre des Affaires étrangères, Andrei Denissov, a estimé qu'une résolution déséquilibrée comporte un risque d'explosion, alors que la situation politique est déjà fragile au Liban. Même si la tâche semble difficile pour le gouvernement libanais, l'initiative qu'il a prise ne devrait pas être ignorée par la communauté internationale. Car elle témoigne de sa volonté de rechercher la fin de la guerre et consacrer la paix à long terme. Même le Premier ministre israélien a dû constater le « pas intéressant » que constitue la décision du gouvernement libanais de déployer son armée au Sud dans le cadre d'un plan global. Il sera très difficile pour les parrains du projet de résolution d'ignorer les propositions libanaises, à moins de se positionner comme juges et parties dans le conflit. Abordant la bataille qui s'annonce très dure aux Nations unies et qu'il a assimilée à « une guerre diplomatique », le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, a indiqué que « les efforts héroïques pour contenir la brutale agression israélienne, alliés à la ténacité des Libanais, sont les principaux moyens à notre disposition pour mener cette autre guerre ».