Le FLN qui invite une délégation de l'ANC, cela prête à plusieurs lectures. Il y a d'un côté l'axe Alger-Pretoria qui est réactivé, mais il y a aussi le fait que cette réactivation est le fait d'un parti politique. Il se trouve par ailleurs que cette formation est majoritaire dans les assemblées élues, que son secrétaire général est à la tête de l'Exécutif, que le président de la première chambre du Parlement est issu de ses rangs, et que le premier magistrat du pays est proclamé président d'honneur du FLN. Cela fait beaucoup. Cela veut dire que la situation actuelle est la résultante de plusieurs facteurs qui se sont réunis pour faire du FLN à la fois une force de proposition et une force de frappe, aussi bien à l'échelle locale qu'au niveau international. Cette situation inédite peut être profitable à l'Algérie à moyen et long terme, pour peu que cette énergie ne se perde pas dans des luttes intestinales mais soit canalisée pour la réalisation d'objectifs nobles. La réflexion engagée à tous les niveaux par le FLN pour fournir l'action du gouvernement en propositions tous azimuts peut, si elle n'est pas déviée de son cours, être un aiguillon et un stimulant. Au niveau interne, on sait tous que le FLN a créé plusieurs commissions qui planchent sur des dossiers sensibles, comme la révision de la Constitution ou la liberté d'expression. Qu'on partage ou non les idées du vieux parti, force est de reconnaître qu'il ne se contente pas d'être une excroissance de l'Etat, un simple appareil comme cela fut le cas par le passé, mas qu'il précède l'événement et qu'il fournit l'Exécutif en idées et en projets. Reste bien sûr aux autres partis à faire pareil, en ne se contentant pas de ne se réveiller qu'à la veille des échéances électorales et de ne se signaler à l'opinion, que par des crêpages de chignon entre leurs membres. Il y a, dans la nouvelle façon de fonctionner impulsée au FLN, à n'en pas douter, quelque chose qui est porteur de promesses et qui est une entrée dans la modernité, d'autant plus que les commissions travaillent dans la transparence et communiquent les résultats de leurs travaux à l'opinion publique, mettant les autres partis, pris de court, dans l'embarras. Mais il y aussi cette ambition, somme toute légitime, de la direction du FLN de conférer au vieux parti d'Algérie une aura internationale. Non seulement elle a fait partie de la délégation africaine chargée de défendre le Nepad, nouvelle initiative pour l'Afrique, mais Abdelaziz Belkhadem lui-même qui a dirigé la diplomatie algérienne pendant plusieurs années, a mis à profit ce passage à la tête des AE pour nouer des contacts à tous les niveaux. Il y quelques jours, c'est rien moins que François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste français qui faisait le déplacement à Alger, toujours à l'invitation du FLN, qui marchait là sur les plates-bandes du FFS, membre au même titre que le PSF de l'Internationale socialiste. Hasard de l'histoire ou du calendrier, cette nouvelle manière de faire de la politique et de la diplomatie permet au FLN de prendre une sacrée longueur d'avance sur ses concurrents, qui n'ont plus qu'une seule chose à faire: en prendre de la graine.