Américains et Français sont contraints de revoir leur copie. Français et Américains ont dû se remettre au travail pour tenter d'améliorer un projet de résolution rejeté par le Liban dans sa texture actuelle. Faisant la part belle à Israël, le projet n'a pas su prendre en charge l'ensemble des paramètres entourant le conflit qui s'est déclenché le 12 juillet dernier. Si la France comprend la position du Liban et accepte en conséquence un amendement au document coparrainé avec les Américains, ces derniers semblent plus réticents et estiment que le texte en question est «solide» comme l'affirmait la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, selon laquelle le projet de résolution franco-américain constituait une «base solide» pour un règlement mais qu'il fallait «prendre un peu de temps» pour dissiper les différentes objections. Objections qui viennent en fait du seul Liban qui ne trouve pas son compte dans un projet qui répond surtout aux demandes israéliennes. Mme Rice a aussi indiqué quelque peu irritée: «Bien sûr, nous allons prendre un peu de temps pour écouter les inquiétudes des différentes parties et voir comment nous pouvons y répondre.» La position française est plus nuancée comme l'indique son chef de la diplomatie, Philippe Douste-Blazy qui a déclaré hier que la France a l'intention «d'essayer d'améliorer» le texte pour «tenir compte des objections» libanaises et arabes. «Nous disons aux Américains: ne déposons pas encore cette résolution tant que nous n'avons pas pris quelques amendements de la Ligue arabe, en tout cas du gouvernement libanais», a dit M.Douste-Blazy qui a ajouté: «Il s'agit du retrait des forces israéliennes du sud Liban et aussi d'être plus précis sur les fermes de Chebaa. Nous pensons que nous pouvons aller plus loin.» Dès lors, l'optimisme dont a fait montre le Premier ministre britannique, Tony Blair, selon lequel le texte pouvait être adopté dès aujourd'hui par le Conseil de sécurité est loin d'être justifié. Ceci, d'autant plus qu'un autre membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie, a apporté son grain de sel en s'opposant à toute adoption du document en cause dans sa version actuelle dès lors qu'il a été rejeté par le Liban, comme le soulignait hier le représentant de la Russie aux Nations unies, Vitali Tchourkine, selon lequel le projet de résolution jugé «inutilisable» par le Liban ne pouvait être voté en l'état, indiquant depuis New York à une chaîne de télévision russe: «Pour nous, il est évident qu'un tel projet, qui est inutilisable pour la partie libanaise, ne doit pas être adopté, parce qu'il ne ferait que conduire à la poursuite du conflit et des violences.» L'empressement des Etats-Unis à faire adopter un projet très favorable à Israël est ainsi contrarié tant par le rejet du projet par le Liban que par l'opposition de la Russie à un texte qui selon elle, loin d'aboutir à la cessation espérée des hostilités laisse, a contrario, ouverte les possibilités de poursuite du conflit. Aussi, la position de la Russie, exprimée par son ambassadeur à l'ONU tempère-t-elle quelque peu les attentes formulées ici et là de voir adopter rapidement un texte qui finalement laisse voir maintes failles. Les représentants de la France, Jean-Marc de La Sablière, et des Etats-Unis, John Bolton, se sont vus dans la journée de lundi, selon des sources diplomatiques, afin de tenter «d'améliorer» leur projet de résolution. Selon ces sources, les deux diplomates «continuent de travailler pour améliorer le texte». Dans un communiqué rendu public hier, le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a fait état du nouvel élément intervenu qui est la décision du gouvernement libanais de déployer l'armée libanaise dans le sud du pays. Dans sa déclaration écrite, M Douste-Blazy indique: «Je souhaite que les discussions en cours à New York prennent en compte ce nouvel élément essentiel pour parvenir à l'adoption rapide d'une résolution» en estimant hier que l'annonce libanaise était «de nature à modifier le contexte des discussions» à l'ONU. Semblant agacé par la tournure des événements, l'ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU, John Bolton, s'est dit ouvert au dialogue tout en soulignant qu'il n'était pas possible «de satisfaire tout le monde» ni «de satisfaire complètement quiconque», feignant d'ignorer qu'il s'agit, pour le Liban autant que pour Israël, d'une question de vie ou de mort, et que consacrer un peu plus de temps au problème n'est certes pas au-dessus des moyens et possibilités de la super-puissance mondiale américaine.