Le président tunisien Kaïs Saïed a annoncé jeudi soir son rejet des «instructions émanant de l'étranger et visant à appauvrir les Tunisiens», assurant que le pays est tout à fait capable de surmonter la crise en ne comptant que sur ses moyens propres. Par-là même, il a fermé la porte aux tractations avec le FMI dont un prêt était attendu depuis de nombreux mois, à hauteur de 1,9 milliard de dollars mais dont les conditions préalables ont exigé d'âpres négociations, en fin de compte vouées à l'échec. On sait de source sûre que, derrière les paramètres habituels de l'organisme international qui impose des réformes structurelles profondes de l'économie, conjuguant les licenciements massifs de travailleurs de la fonction publique et les restructurations des entreprises, il y a également cette forte pression pour l'adhésion de la Tunisie à la normalisation trumpienne dont les résultats n'ont satisfait, à ce jour, que les dirigeants signataires et nullement leur peuple. Kaïs Saïed a donc choisi la date symbolique de la commémoration du décès de l'ancien président Habib Bourguiba pour souligner sa détermination à refuser ce genre de diktat. Il a mis l'accent, en parallèle, avec l'importance de la mise en place du Conseil national des régions et des districts, indiquant que cette structure garantira la représentation de tous les Tunisiens. Un texte de loi réglementant les rapports entre ce Conseil et le Parlement devra être promulgué au cours des prochains mois. Dans le même esprit, le chef de l'Etat tunisien a évoqué plusieurs pistes permettant de sortir de l'ornière, notamment la récupération des biens détournés, qu'ils soient en Tunisie ou dans les banques étrangères.«Pour quelle raison l'étranger refuse de nous restituer notre argent? Il s'agit des biens du peuple tunisien... Le monde et les entités financières, telles que le Fonds monétaire international (FMI), doivent comprendre que l'être humain n'est pas un simple chiffre... Nous exigeons le respect de la volonté du peuple... Il y a un axe humain de notre travail», a affirmé Kaïs Saïed qui a laissé entendre qu'il n'y aura pas de suppression des subventions et autres compensations, non sans exhorter les Tunisiens à ne plus compter que sur eux-mêmes. La mesure des compensations est intervenue en 1984 au lendemain des émeutes du pain qui avaient entraîné la mort de plusieurs manifestants. «Certes, un groupe d'individus profitent des compensations, mais nous devons trouver le moyen de l'orienter vers les personnes en ayant besoin... La création du système des compensations a eu lieu durant les années quarante... Il y avait une autre philosophie... On devait appliquer une taxe sur les produits ne nécessitant pas de compensations», a toutefois souligné le chef de l'Etat tunisien qui s'oppose à l'exigence du FMI formulée au gouvernement Najla Bouden sur la levée des compensations. En vérité, les 1,9 milliard de dollars attendus ne sont guère suffisants pour couvrir les besoins financiers de l'Etat tunisien, ceux-ci étant de 5 milliards de dollars pour l'année en cours, mais ils sont une garantie préalable à l'obtention de crédits alloués par d'autres bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale. D'où les pressions exercées contre la Tunisie pour adhérer à d'autres préalables.