Le président Kaïs Saïed est le maître absolu de la Tunisie depuis le 25 juillet dernier. Il n'existe pas d'autre pouvoir vraiment décisionnel en Tunisie en dehors du palais de Carthage. Il n'empêche qu'il n'arrive pas à faire sortir la Tunisie du blocage politique qu'elle vit avec un Parlement gelé, que Saïed ne veut pas dissoudre, de manière abusive. Le président tunisien préfère que la justice annule certains résultats des dernières élections de 2019, à cause de financements étrangers avérés, ce qui entraînerait la dissolution du Parlement. La Tunisie n'est pas parvenue à entreprendre une alternative politique aux institutions gelées le 25 juillet dernier. Le président Saïed a promis un dialogue social, composé autrement que celui de 2013/14, avec une forte présence des jeunes ; il a annoncé la formation prochaine d'une commission d'experts pour l'épauler dans des réformes constitutionnelles ; il a parlé vaguement d'amnistie des corrompus contre des projets dans les zones pauvres du pays. Mais, à part la formation du gouvernement de Najla Bouden, aucune de ces annonces n'est passée à la conception, pour s'appliquer sur le terrain. Le bruit court que le président Saïed veut réformer le régime politique, par la voie d'un référendum. Mais, il semble qu'il n'a pas encore trouvé de solution juridique à la question de dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Et c'est dans ce cadre qu'il a reçu avant-hier, 29 novembre, les deux constitutionnalistes Sadok Belaïd et Amine Mahfoudh. Lors de cette rencontre, le président Saïed n'a pas ménagé les anciens pouvoirs, qui se sont succédé après 2011. «Ils ont saisi la révolution par le droit ou le pseudo-droit, en concevant des lois sur mesure», a dit le Président en rappelant que «l'article 163 de la loi électorale pénalise financièrement les candidats accusés d'avoir perçu des financements étrangers et il annule les résultats des listes concernées». Saïed a remarqué que «l'examen de ces affaires portant sur les élections traîne devant la justice depuis bientôt deux ans, sans qu'il y ait de décision, alors que les délais de préemption sont fixés à trois ans». Face au prolongement insensé de l'examen de ces affaires, le Président a promis de nouvelles mesures sous forme de décrets. Il en découle que le président Saïed cherche à annuler les résultats des listes du mouvement Ennahdha, de Qalb Tounes et de Aïch Tounsi, soit 92 sièges, par des décisions de la justice, pour justifier la dissolution de l'ARP et l'annonce de nouvelles élections anticipées. En attendant pareilles décisions, la Tunisie vit dans l'incertitude. Flottement L'espace économique en Tunisie vit dans un flou artistique et il est caractérisé par l'incertitude tout comme son cousin politique. L'environnement de l'investissement est morose. La croissance est quasi nulle, alors que le taux de chômage dépasse les 18%, qui était de 14% sous Ben Ali et pendant les premières années de la révolution. Il est vrai que la pandémie de Covid a donné un sérieux coup à des secteurs vitaux, comme le tourisme et le transport. Mais, il n'y a pas que cela. Les pays similaires ont enregistré des reprises économiques, alors que la Tunisie stagne, faute d'un plan de redressement économique adéquat. Le modèle économique suivi jusque-là nécessite d'être révisé. Mais, les décideurs politiques ne sont pas parvenus à concevoir un nouveau modèle. Ce blocage pèse lourdement sur le programme du gouvernement Bouden. Cette dernière compte lancer de nouvelles réformes économiques dans le cadre d'un programme d'assistance du FMI. Il s'agit, surtout, de revisiter le modèle de compensation des denrées de base et de mettre à niveau les établissements publics, afin d'aérer le budget de l'Etat. Mais le FMI exige l'adhésion des organisations sociales (UGTT, UTICA, UTAP, voire UNFT) à ce plan de réformes, avant de le signer avec le gouvernement. Or, le courant ne passe pas, pour le moment, entre l'Exécutif tunisien et lesdites organisations. La Présidence et le gouvernement tunisiens ont besoin de rétablir les ponts avec ces organisations, s'ils veulent parvenir à réunir les six milliards de dollars nécessaires pour boucler le budget 2022. Tunis De notre correspondant Mourad Sellami Advertisements