Le nouveau gouvernement tunisien de Najla Bouden, installé le 11 octobre, fait déjà face à un besoin imminent de trouver un milliard de dollars, pour la gestion courante de l'Etat, deux pour boucler le Budget 2021 et sept milliards pour le Budget 2022. Ce ne sera pas facile pour un pays déjà dégradé une dizaine de fois depuis 2011 par les agences de notation internationales et qui traverse une phase de flottement politique. La cheffe du gouvernement s'est toutefois dite prête à relever le défi. Le président Saied assure que la Tunisie réussira à sortir de l'impasse. Favorable, mais… Il est, certes, vrai que cette première femme cheffe de gouvernement dans le monde arabe a déjà la sympathie de plusieurs capitales internationales, elle et son équipe à forte présence féminine, travaillant sous le slogan attractif de lutte contre la corruption et prêche pour la bonne gouvernance. Washington, Bruxelles et Paris, voire Riyad ont salué le gouvernement de Bouden, qui a été très bien accueillie à Riyad où elle a fait son premier voyage international à l'occasion du sommet «Moyen-Orient Vert». La réaction du vice-président de la Banque mondiale, le Tunisien Farid Belhaj, a été, elle-aussi, positive, suite à son premier entretien avec l'équipe Bouden concernant les perspectives de sortie de la crise en Tunisie. Les responsables tunisiens sont conscients des priorités concernant l'objectif de la compensation des produits de base, une meilleure gestion des entreprises publiques, ainsi que le poids de la gestion de l'Etat, avait dit Belhaj suite à son entretien avec les ministres de l'Economie, des Finances et la Secrétaire d'Etat de la Coopération internationale, en marge des réunions d'automne de la Banque mondiale. Ces échos positifs signifient que les institutions financières internationales sont prêtes à aider la Tunisie. «Il faudrait toutefois que la Tunisie fasse le bon choix, selon les banquiers du FMI, en matière de gestion des deniers publics», avertit l'universitaire Sami Aouadi, l'économiste en chef de la centrale syndicale UGTT. Or, le FMI exige la réduction du coût de la gestion de l'Etat des 17% actuels à 12%, au bout de cinq ans, en réduisant le nombre d'employés du secteur public, à travers une véritable numérisation des services, toujours selon Aouadi. Cela signifierait de trouver des formules pour alléger le secteur public du quart de ses ressources humaines, au bout de cinq ans, alors que la cheffe du gouvernement vient d'ordonner de mettre en application la loi sur l'emploi des diplômés chômeurs depuis 10 ans. Le nouveau gouvernement est face à un dilemme entre la hausse continuelle du nombre de diplômés de l'université, leur désir d'intégrer le secteur public, où l'emploi est plus stable, et le souci de réduire le poids de la gestion de l'Etat. Dialogue La Tunisie a besoin de réunir les efforts de tous les acteurs économiques et sociaux pour faire face à la crise profonde qu'elle traverse, selon l'avis des institutions financières internationales. C'est ce que le FMI a déjà dit depuis mars 2021 au gouvernement Mechichi, lors de la visite prolongée de Farid Belhadj en Tunisie et ses discussions avec tous les acteurs de la scène. Belhadj a pratiquement réitéré les mêmes propos en août dernier lors de sa rencontre avec le président Saïed, détenteur de tous les pouvoirs après le 25 juillet 2021. Mais la situation tunisienne n'a pas évolué. Les Tunisiens ne sont pas encore parvenus à établir une feuille de route à leur avenir, ni même un dialogue pour la réaliser. Le président Saïed ne cesse de ventiler, depuis plusieurs mois, la promesse d'un dialogue intégrant les jeunes, qui ne se concrétise pas encore. La centrale syndicale, UGTT, exige la participation des organisations de la société civile, voire des partis politiques «propres» à ce dialogue. L'UGTT avance même dans l'élaboration d'une feuille de route de transition, avec la participation d'universitaires et d'experts de la société civile. Mais le président Saïed ne réagit pas à la main sans cesse tendue de l'UGTT. La cheffe du gouvernement, Najla Bouden, a certes rencontré Noureddine Taboubi, le secrétaire général de l'UGTT, qui est sorti satisfait de cette première rencontre. Mais tout dépend du pouvoir réel de cette cheffe du gouvernement, lors de la prochaine rencontre de l'équipe Bouden avec le bureau exécutif de l'UGTT, afin de résoudre les problèmes effectifs de la Tunisie. Optimisme prudent de l'UGTT. La Tunisie retient son souffle. Tunis De notre correspondant Mourad Sellami Advertisements