Au quinzième jour de jeûne, la cour d'Alger travaille au ralenti. À part le guichet unique, où les greffiers font preuve, comme d'habitude, de bravoure, les salles d'audience sonnent la «retraite», vers des coins plus accueillants. Alors que le président du tribunal criminel d'Alger était en train de chercher à savoir si oui où non, le jeune client de Me Med Djediat, s'était rendu à Tlemcen pour passer de la came dure du Maroc, dans la salle des «pas perdus», des «robes noires» attendent patiemment l'appel du greffier, papotent, le temps que leur tour arrive. Parmi ce groupe de conseils, on trouve les sympathiques Me Kamel Boufafa, Me Hadj - Nacer, Me Fatiha Azzaz, Me Mounira Djerboua, Me Hamza Khamis, Me Khalil Benabbès, mais aussi les nouveaux et jeunes, Me Med Boukhatem, Me Med Khellafi, Me Rida Sériak, Me Dalila Zaghdoud, Me Karim Douane et Me Meriem Kahoul - un nom légendaire pour être un homonyme de celui d'un valeureux magistrat, Abdelghafour Kahoul, actuellement commissaire au Conseil d'Etat, bien à sa place, qui ne doit rien à quiconque. La discussion s'étale, des rires étouffés éclatent, ce qui énerve un tant soit peu les conseils entrés dans le «coma ramadhanesque». Il est vrai qu'il était un peu plus de quatorze heures. Quatre heures de privation de tout, est un calvaire, même pour les plus avertis. On bavarde de tout, et presque de rien. Une discussion de Ramadhan, où tous les sujets passent. Les problèmes d'actualité occupent la majeure partie des sujets abordés. Les prix, la spéculation, les fidèles qui ne suivent jamais les recommandations divines ou prophétiques. Et Me Hadj-Nacer, comme pour rompre la monotonie du moment, pose la fameuse question à Me Azzaz, relative à la santé des enfants. La brune avocate de Bab El Oued répond avec un large sourire: «Très bien, merci. D'ailleurs, je vais m'occuper d'abord de Youssef, pour une visite de routine. C'est l'aîné. Haroun, lui le cadet attendra bien son tour, puisqu'il n'a connu, grâce à Allah, aucun pépin de ce genre. Youssef et Haroun sont mes deux trésors... - C'est tout trouvé, Me, coupe avec un large sourire, Me Kamel Boufafa, le délégué du bâtonnier auprès du tribunal de Bâb El Oued. Vous avez donné les prénoms de deux prophètes aux enfants? Allusion à Youssef et Haroun! Oui, mais moi, j'ai peur qu'ils ne seront pas prophètes dans leur pays...» Ironise Me Fatiha Azzaz, avant de s'excuser auprès de ses confrères, de saluer tout ce beau monde, après avoir confié son dossier à un confrère, et de rentrer chez elle, préparer la chorba de dix-neuf heures sept minutes...