L'écrivain Amer Ouali réussit à tenir en haleine le lecteur de bout en bout. On est pris dans ce récit extrêmement réaliste que l'on se demande à un certain moment, s'il s'agit bien d'un roman ou bien d'un grand reportage à peine romancé. En effet, les détails et les précisions avec lesquels Amer Ouali, qui nous a quittés récemment, mène l'écriture de son récit, sont édifiants. Amer Ouali qui a été pendant longtemps journaliste de terrain, a mis à profit cette grande expérience pour en tirer ce roman et sans doute d'autres livres. «De miel et de sang, un amour à Bab El Oued» n'est pas seulement un roman d'amour. Il s'agit d'un récit sur le destin de plusieurs personnages ayant pour point commun le fait d'appartenir à la même génération et au même pays pris dans la tourmente. Celle qui avait 20 ans en 1990, quand l'Algérie allait faire une plongée dans une tragédie qui allait endeuiller tout le pays pendant longtemps. Il s'agit de personnes qui sont nées au début des années soixante-dix. Mais quand le début des années 90 arrive et avec elles tous les bouleversements que le pays a connus, chacun devait choisir son camp. Pour certains, ce camp s'est imposé à eux: par absence de perspectives, un concours de circonstances, un choix imposé, etc. C'est ainsi que l'un devient policier, l'autre avocat, un autre devient terroriste, puis un autre complice des terroristes, etc. Le roman d'Amer Ouali se déroule dans trois wilayas: Alger, Bouira et Tizi Ouzou. L'auteur emmène ainsi le lecteur dans des espaces géographiques différents, mais tout en demeurant fidèle à sa trame et aux personnages centraux de son roman. Un mystérieux coup de foudre Le livre est émaillé de suspense car il est écrit d'une manière qui ne permet pas au lecteur de savoir dès le départ qui en est le personnage principal ni quelle sera la suite de chaque événement décrit du début jusqu'à la fin. C'est comme dans la vie, on ne sait jamais ce qui pourrait advenir dans l'étape prochaine quand bien même on aurait tout fomenté pour prendre ses devants. Mais la vie réserve toujours des surprises auxquelles personne ne peut s'y attendre. Même quand une idylle naît entre Kamel l'avocat et Narimane, l'auteur ne présente pas les choses telles qu'on a l'habitude de les voir ailleurs, c'est-à-dire là où tout commence par ce mystérieux et incontournable coup de foudre. D'ailleurs, au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture, on finit même par se demander s'il s'agit vraiment d'un amour ou d'autre chose. L'auteur laisse sciemment flotter les non-dits dans son récit, ce qui confère une originalité certaine pour le livre d'Amer Ouali. Le lecteur est en outre plongé dans la tragédie de la décennie du terrorisme qu'a vécue notre pays. Le lecteur est ainsi entraîné dans le monde de Nabil le policier, affecté dans l'une des régions les plus «chaudes» du pays, à Bouira. Grâce à ses compétences, ses supérieurs lui confient une mission bien particulière qu'il assume avec brio. Amer Ouali décrit avec des détails édifiants cette étape. On découvre ainsi un univers que l'on ne connaissait pas ou presque pas jusque-là. On découvre également à quel point le travail des services de sécurité était extrêmement éprouvant durant la même période en plus du lourd tribut payé pour défendre la patrie. L'auteur décrit aussi l'infinité de précautions que prenaient les personnes menacées d'être victimes d'un attentat afin d'y échapper ou parfois juste pour retarder ce qui semble être une fatalité, en dépit de toutes les mesures prises pour s'en prémunir. L'une des scènes les plus déchirantes du roman d'Amer Ouali est celle de la mère découvrant son fils gisant dans une mare de sang après qu'un terroriste a tiré sur lui au bas de l'immeuble où la victime habitait. Immersions dans la psychologie des hommes Un attentat facilité par la complicité d'un jeune voisin, pourtant ami de la famille et même de la victime. Il n'hésitera pas à verser des larmes de crocodile devant la foule regroupée devant le corps sans vie de la victime pour éloigner toute conjecture à son sujet. En choisissant des personnages appartenant à la même génération, Amer Ouali a sans doute un message à transmettre au lecteur. Un message à découvrir à la fin de la lecture du livre. L'ouvrage, paru aux éditions «Maia» est une immersion dans la terreur, mais aussi dans la psychologie des hommes durant les périodes où le sang coule quotidiennement et où chaque personne est une éventuelle victime d'un attentat individuel ou à la bombe. Une période où chaque femme et chaque homme étaient des morts en sursis. C'est un roman d'une époque inoubliable de notre histoire récente, mais qui doit servir de leçon car elle ne devrait jamais recommencer.