La CNR, qui compte 1,6 million d'affiliés, est souvent confrontée à des problèmes de finances. Ils sont tous là, ils sont venus...Ce n'est pas là le titre d'une chanson célèbre interprétée par un non moins célèbre chanteur, mais simplement la triste situation que vivent les retraités algériens qui s'enlisent dans une «précarité sans précédent» dixit, il y a peu, par le président de la Fntr lui-même, Abdelmadjid Azzi. Dès les premières heures de la matinée de cet été chaud 2006, ils se retrouvent sur les bancs des rares jardins publics disséminés dans la capitale. Ils sont à la recherche d'une oreille attentive ou d'une brise d'air en ces moments de canicule. Bien qu'ils soient tôt éveillés, ce n'est qu'à cette heure-ci de la mi-matinée qu'ils désertent leurs logis, souvent étroits, qu'ils partagent avec une famille nombreuse pour la plupart, pour laisser place aux mamas ménagères occupées à terminer leur corvée domestique à l'aise. Epaule contre épaule, souvent une canne entre les jambes pour y reposer leur frêle corps durant de longues heures d'inaction languissantes. Le regard faisant mine de s'intéresser à tout...comme à rien. S'écoutant causer les uns les autres, les yeux voguant sans interruption de droite à gauche comme le balancier d'une horloge, observant le mouvement de la foule, le va-et-vient des voitures ou parfois encore fixant le ballet incessant des pigeons picorant, çà et là, une maigre pitance que se disputent d'autres oiseaux vivant dans l'insouciance du monde. Tous attendent le geste du gouvernement. Dignité Une action tant annoncée par les médias lesquels ne tarissent pas d'appels pour une revalorisation de la menue pension attribuée à ces «oubliés» du monde actif. Ils continuent à lutter, au crépuscule de leur vie, pour une vie meilleure et surtout digne. Digne pour ne dépendre ni d'une prise en charge hypothétique par un fiston intègre ou une bru généreuse, ni par des voisins pétris par la solidarité traditionnelle tant recommandée par la foi qui anime le peuple algérien. Les causeries s'aventurent plus loin que leur propre petite personne pour s'intéresser aux nouvelles du Liban ou de l'arrivée des émigrés en masse qu'ils observent du haut des boulevards front de mer, débarquant en liesse et dans une indescriptible cohue sur les quais. Qui, dans sa besace de fortuné quelques petits billets d'euros, qui, ramenant des cadeaux originaux que les bénéficiaires retraités élus auront tout le loisir, empreint d'une teinte de fierté, d'exhiber à leurs camarades d'infortune. Commentant interminablement les dernières informations relatives à la fameuse revalorisation des indemnités de retraite annoncées par le premier argentier du pays Mourad Medelci, ces pensionnés nouveaux et anciens, lorgnent tous vers cette lueur d'espoir, font et refont des calculs, échafaudant déjà des plans de dépenses, tout un chacun affirmant détenir le meilleur «scoop» et la dernière information. Le ministre avait déclaré, en effet, qu'en plus des 900.000 retraités percevant moins de 10.000 dinars, «nous avons, à la demande du président de la République, intégré ceux qui ont moins de 15 ans de cotisation, soit plus de 100.000 personnes, en améliorant le régime d'indemnités qui leur a été accordé jusqu'à maintenant». Il est ainsi prévu, pour rappel, qu'en plus des 13,5 milliards de dinars destinés à l'augmentation des retraites «normales», une enveloppe de 1,9 milliard de dinars pour améliorer le régime indemnitaire des retraités n'ayant pas le nombre d'années de cotisations requis. Medelci a précisé que cette enveloppe sera allouée à ceux qui touchent des pensions variant entre 2 et 3000 DA. «Ces derniers vont voir leur pension doubler», devait-il souligner. A propos, justement, de ces augmentations des retraites, la presse avait rapporté en début juillet une «mauvaise nouvelle pour les petites retraites». Cette hausse de 25% prévue dans le cadre de la bipartite ne touchera pas ces allocataires. La décision prise par le président de la République ne concerne, en fait, que les retraités qui perçoivent entre 7500 et 10.000 DA, comme l'a d'ailleurs précisé le président de la Fédération nationale des travailleurs retraités (Fntr), Azzi Abdelmadjid, à la Radio nationale. «L'objectif de cette décision est d'aligner cette catégorie, qui représente environ 900.000 retraités, sur le salaire minimum (Snmg) qui est de 10.000 DA» A cet effet, la loi propose un alignement sur le niveau des smicards (10.000 DA) rétroactivement à compter du 31/07/2006 a indiqué pour sa part à L'Expression M.Gadiri chargé du département Finances de la fédération. De son côté, le président du comité national des retraités non-salariés (médecins, commerçants, professions libérales, journalistes privés...), Bendjemaâ Saïd, contacté à Constantine, s'est élevé contre les dires des autorités compétentes, qu'il qualifie de «pure démagogie» précisant que «rien de concret, ni de précis» n'est venu étayer ces propos de revalorisation dont «les délais de procédures s'éternisent indéfiniment.» Le SG de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa), Salah Souilah, nous a affirmé que ce comité créé il y a à peine quelques mois, n'entretient presque pas de relations pour l'heure avec le ministère du Travail ni avec la Caisse des assurances des non-salariés (Casnos). Il s'emploiera, dès la prochaine rentrée sociale, à exposer les problèmes auxquels se heurtent ses adhérents. «Dossier ouvert» Pour ce qui est de la revalorisation annuelle, selon Gadiri, le ministère s'est prononcé pour une réunion du conseil d'administration de la Fntr pour proposer un taux unique de revalorisation pour l'ensemble des retraités. Le conseil a proposé un taux de 8% aux pensionnés sortis en retraite avant le 31/12/1991 et 2% pour ceux inscrits à compter de 1992. La Fntr a rejeté les deux propositions et campe sur «un taux unique de revalorisation pour tous les retraités». Les autres catégories de retraités qui perçoivent moins de 7500 DA et plus de 10.000 DA devront attendre encore avant de voir leurs retraites réévaluées. Certes, Azzi avait rassuré que le dossier «reste ouvert» et une revalorisation annuelle des retraites «demeure à l'étude». Le président de la Fntr s'est dit, par ailleurs, satisfait des décisions prises par le président de la République, notamment la création d'un Fonds spécial de retraite. Il a regretté néanmoins que des milliers de retraités ayant moins de 15 années de service et qui perçoivent une allocation, continueront à vivre avec seulement 3000 à 4000 DA/mois. M.Azzi a réitéré la proposition de la Fntr, formulée lors du 4e congrès tenu en 2005, pour ramener à 5 années le seuil minimum du nombre d'années de cotisation pour l'accès à une retraite qui ne saurait être inférieure au Snmg, soit 10.000 DA. Le président de la Fntr qui est affiliée à l'Ugta, a souhaité que ce Fonds puisse disposer d'une réserve d'au moins une année de paiement des allocations égale à 120 milliards/DA. La Caisse nationale de retraite (CNR), qui compte actuellement 1,6 million d'affiliés, est souvent confrontée à des problèmes de finances similaires. Approché à ce sujet par L'Expression, le premier vice-président de l'APC d'El Harrach, Aïchour Sid Ali, s'est déclaré bien conscient de la «situation précaire dans laquelle vit le retraité», notamment celui qui a une famille nombreuse à charge. Il a indiqué que «diverses actions ont, cependant, été menées pour les soutenir et les accompagner dans cette dernière étape de la vie. Ainsi une aide a été consentie à leur association pour l'ouverture d'un bureau et divers matériels d'ameublement bureautique leur ont été cédés par l'APC. Par ailleurs, des bus ont été mis à leur disposition pour des excursions vers des stations thermales comme Hammam Righa la dernière fois». Abondant dans le même sens, le vice-président des collectivités locales activant au sein de la daïra d'Hussein Dey, M.Bouzane, nous informe que «plusieurs actions sociales en faveur des retraités vont être exécutées et se multiplier dès le mois de septembre, en particulier à la veille et surtout pendant le mois sacré du Ramadan sans oublier les traditionnelles actions qui devront meubler la fête de l'Aïd El Fitr 1427 de l'an hégirien (Octobre 2006)». Les principaux responsables des services concernés par le dossier de la retraite au ministère du Travail n'ont pu être touchés en cette période de congés pour nous éclairer quant aux actions d'aide et d'accompagnement entreprises par les autorités. Pour illustrer concrètement le désarroi dans lequel vit bon nombre de cette population, citons le cas de ce pensionnaire, Hadj Ali Lemnouar, qui a travaillé «8 ans durant» et qui touche «une allocation, et non une pension» comme il le précise si justement, s'élevant à peine à «2250 DA/mois». Un autre retraité approché par le journal, Youcef Embarek, ne perçoit mensuellement que la «misérable somme de 800 DA après le décès de son épouse». Auparavant il percevait la modique somme de «2600 DA dont ont été ôtés 1730 DA au lendemain de son veuvage». Ces cas précis sont, hélas, légion parmi cette frange de la société qui regarde avec tristesse derrière en espérant toujours un meilleur devenir. Cet espoir leur est permis vu la volonté politico-sociale du pays et la disponibilité des syndicats de retraités disséminés un peu partout dans le pays pour venir en aide en cas de retard de règlement, de complément de dossier ou toute autre requête. Ils concernent, hélas, beaucoup d'anomalies inextricables pour la plupart de ces vieux très souvent illettrés comme, en particulier, le remboursement des médicaments. Cette frange de la population est quelque peu mise au banc de la société comme une éponge que l'on presse avec force tout au long d'une vie et que l'on rejette ou que l'on range dans un placard après usage...et que l'on oublie ensuite (!!). Elle doit retrouver auprès de la généreuse population algérienne la place qui lui sied et qui lui revient, empreinte de tout le respect dû à nos aînés.