Les combats au Soudan se poursuivaient, hier, à Khartoum et surtout dans la région du Darfour, malgré une prolongation de la trêve conclue entre l'armée et les paramilitaires qui se livrent une guerre ayant fait plus de 500 morts en près de deux semaines. Peu avant l'expiration à minuit (22h00 GMT) d'un cessez-le-feu de trois jours qui n'a quasiment jamais été respecté par les deux camps, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, dit «Hemeti», ont annoncé avoir approuvé une prolongation de la trêve pour 72 heures. Dans un communiqué commun diffusé à Washington, les membres du «Quad» sur le Soudan (Arabie saoudite, Emirats, Royaume-Uni et Etats-Unis), ainsi que l'Union africaine et l'ONU, ont jugé «bienvenue» cette prolongation du cessez-le-feu et appelé à «sa pleine mise en oeuvre» et «à un accès humanitaire sans entrave». Mais depuis le début du conflit le 15 avril qui a fait également des milliers de blessés, la capitale Khartoum a été bombardée tous les jours par les avions de l'armée et l'artillerie lourde des paramilitaires. D'autres villes ont été touchées par les combats, en particulier dans la région du Darfour (ouest) à la frontière avec le Tchad. Avocats et médecins au Soudan ont tiré, hier, la sonnette d'alarme pour le Darfour ravagé par des combats meurtriers qui ne faiblissent pas malgré la trêve. À El-Geneina, chef-lieu du Darfour-Ouest, des combattants ont sorti «mitraillettes, mitrailleuses lourdes et machines de tirs antiaériens» et «tirent des roquettes sur des maisons», rapporte l'ordre des avocats du Darfour. L'ONU indique de son côté que «des armes sont distribuées» aux civils. Les violences se sont accrues après le départ des étrangers, raconte le syndicat des médecins évoquant un «massacre» ayant fait «des dizaines de morts et de blessés». Quelque 50 000 enfants «souffrant de malnutrition aiguë» sont privés d'aide alimentaire au Darfour, avertit l'ONU qui y a suspendu ses activités après la mort de cinq humanitaires au début des combats. Peu d'informations filtrent de cette région où une guerre civile déclenchée en 2003 entre le régime d'Omar el-Béchir, déchu en 2019, et des insurgés issus de minorités ethniques a fait environ 300 000 morts et près de 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU. Douchant les espoirs d'une transition démocratique, les deux généraux désormais rivaux avaient évincé ensemble les civils du pouvoir lors d'un putsch en 2021. Mais ils ne sont pas parvenus à s'accorder sur l'intégration des paramilitaires dans l'armée avant d'entrer en guerre le 15 avril. À Khartoum, les habitants de cette ville qui en compte cinq millions tentent de fuir par tous les moyens. Il n'y a plus eau courante ni électricité. Internet et le téléphone fonctionnent par intermittence. L'essence commence à manquer et l'argent liquide également. «Burhane et Hemeti doivent immédiatement arrêter cette guerre stupide qui se fait sur le dos des civils partout au Soudan et en particulier à El-Geneina et Khartoum», a exhorté l'ordre des avocats. Les combats ont provoqué un exode massif dans ce pays de 45 millions d'habitants, l'un des plus pauvres au monde. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont déjà arrivées dans les pays frontaliers, notamment l'Ethiopie à l'est et l'Egypte au nord où, selon les autorités égyptiennes, plus de 14000 Soudanais et 2000 ressortissants d'autres pays sont arrivés. Au total, 270000 personnes pourraient fuir au Tchad et au Soudan du Sud, selon l'ONU. Les étrangers, eux, partent désormais le plus souvent par la mer. Un nouveau navire saoudien est ainsi arrivé jeudi soir dans la ville portuaire de Jeddah (ouest), portant à 2744 le nombre de personnes évacuées par Riyadh. De nombreux pays du monde, notamment les Etats-Unis, la Chine, la France et le Royaume-Uni ont évacué ces derniers jours leurs ressortissants du Soudan.