Haut perchée à 660 m d'altitude, surplombant l'île aux Pigeons et la baie du Saphir, dominant la ville de Béjaïa qui, blottie dans son giron s'estime bien protégée, la sainte mère, Yemma Gouraya, continue à intriguer touristes et visiteurs. Curieux seront plutôt les historiens, et même certains habitants de Béjaïa, qui depuis des lustres essayent par tous les moyens d'élucider le mystère de ses origines et de percer le secret de son incroyable légende. Pour les vieux, la question ne se pose plus, car ils se basent plutôt sur la croyance populaire, qui estime que Yemma Gouraya, à l'instar de ses deux soeurs, Yemma Yamna et Yemma Bridja, a préféré la ville de Béjaïa pour y élire domicile sur les hauteurs de ses montagnes, afin de pouvoir méditer pour ensuite divulguer son savoir aux habitants de la contrée qui croient en ses connaissances théologiques. D'ailleurs, son nom dérive de Yemma El-Koraïa (mère enseignante) et elle aurait effectivement enseigné le soufisme. Pour les archéologues, il ne s'agit que d'un sordide fort espagnol édifié sur les ruines d'un ancien mausolée. En dialecte espagnol, à la même époque «Ya Gouraya» signifie: Promontoire d'observation. Gour, nom donné par les Vandales à Béjaïa, désignait la ville. Certains historiens avancent l'hypothèse de Gour-Alia (la Haute ville) d'où dérivera Gouraya - nom transformé par le temps et les civilisations. A l'époque Hammadite, la montagne portait le nom d'Amsiouen, et comme les Espagnols n'ont envahi l'antique Nacéria que cinq siècles plus tard, l'hypothèse des historiens paraît plus logique que la légende véhiculée par les autochtones. Mais la légende demeure vivante. La fiction côtoie la réalité, et au-delà des vestiges - ruines du fort espagnol - les Béjaouis s'amusent à échafauder mille et une suppositions à l'égard de celle, qui, si elle avait été un homme, aurait fermé la bouche du 100e saint de la région. De ce fait, nous retrouverons le nom de «petite Mecque», appellation attribuée à Béjaïa par ses propres habitants, qui épouseront la croyance spirituelle pour nous assurer qu'il ne manquait qu'un seul saint, pour que la Terre sainte et le berceau du Prophète soient Béjaïa. Le 100e saint donc n'est autre qu'une femme - Yemma Gouraya - qui ne peut rivaliser avec les pouvoirs masculins pour former la chaîne sacrée. Yemma Gouraya d'origine arabe!? nous dira-t-on, et ses deux soeurs, sont donc venues (on ne sait d'où) pour propager l'Islam et instaurer la paix. Elles furent persécutées impitoyablement par les non-croyants, mais finirent quand même par rester dans la région et lutter pour une cause qu'elles jugèrent juste et sacrée. Yemma Gouraya, plus que ses deux soeurs, luttera davantage et gagnera le respect et l'admiration des autochtones. Elle s'y retirera vers la fin de sa vie pour de longues méditations, et sera un modèle incomparable de courage et de sérénité. Survivant à ses soeurs, elle continuera à propager son savoir jusqu'à un âge avancé. A sa mort, les habitants de la contrée firent de sa demeure un mausolée, et un lieu de dévotion et de prière. Elle est pour les Béjaouis ce soldat infatigable qui veille sur leur ville, et la protège grâce à la bénédiction divine qu'elle a reçue. Quelles que soient ses origines, Yemma Gouraya continuera longtemps encore à protéger les enfants, à guider les marins, et à exaucer les voeux de ceux qui lui sont dévoués, et qui font appel à sa sainteté. Du point de vue touristique, Yemma Gouraya nous fascinera par la beauté de son site, et par la splendeur de la ville qui s'étale en amphithéâtre à ses pieds. Des pique-niques et des excursions sont souvent organisés par les familles de la région, qui préfèrent les hauteurs de cette montagne pour se réoxygéner, et oublier, ne serait-ce que pour un moment, le stress de la vie quotidienne. La magnificience de l'endroit est tout indiquée.