Il y a plusieurs types de fraises, comme il y a plusieurs façons de les déguster (ou pas). Au cinéma, il est impensable d'aborder ce sujet sans évoquer «Les Fraises sauvages», pas seulement parce qu'elles seraient... suédoises (exotisme quand tu nous tiens), mais surtout parce que ce film est signé Ingmar Bergman et que, des années plus tard, d'autres films du suédois le plus célèbre, remplissaient les salles d'Alger (Algéria, Debussy), d'Oran (Le Colisée), voire de Batna (Le Régent) et d'ailleurs, sans parler de celles de la Cinémathèque algérienne, bien évidemment. À l'époque de sa sortie, la critique avait été unanime: «Bergman est un de ces hommes qui nous aident à croire que le cinéma n'est pas seulement fait pour raconter des «histoires «, mais qu'il peut être aussi, qu'il doit être un instrument d'exploration et de déchiffrement du coeur humain. Peu importe alors ses balbutiements et ses incertitudes. Peu importe qu'il soit encore dans l' «âge ingrat''. Ce sont des films comme «Les Fraises sauvages» qui l'en feront sortir.», découvert vingt ans plus têtard à la Cinémathèque, nous avions encore plus aimé les fraises autant que l'auteur de «Scènes de la vie conjugale» nous avons fait aimer encore plus le cinéma. Quid des fraises, diriez-vous? Certes, ce détour par un film devenu un classique, depuis, paraîtrait pour le moins bizarre. «Vous avez dit bizarre?», lançait Arletty dans «Hôtel du Nord» (1942). Oui, bizarre convenons-en, d'autant qu'il avait été décidé de ne pas chroniquer (une décision ferme et définitive), le film français programmé dans la section «Séances de minuit» (Hors-Compétition) «Omar, la fraise» d'Elias Belkeddar, préférant laisser au public algérien la primeur de la découverte, histoire qu'il se fasse sa propre idée, le critique de cinéma risquant de se prendre pour un démiurge en la matière. Dieu nous en préserve! Mais lors, qu'est-ce qui justifierait un revirement pareil? La chute du cours de la fraise, peut-être? Non, pas le moins du monde, l'opportunité de chroniquer des images n'est pas tributaire, de la mercuriale du moment, même si en matière de films, parfois et en l'occurrence on est plus proche du navet que de la carotte... Trêve de salades, si l'on parle aujourd'hui de «Omar, la fraise», ce n'est pas qu'on a changé d'avis comme le ciel cannois changerait de couleurs, il s'agit plus d'une précaution sanitaire, car de nos mains, c'est tautologique, nous en avons besoin. Autant que de nos bras. Mais de peur que les bras en tombent à la lecture d'un articulet paru dans un hebdo qui fait autorité dans l'Hexagone, en matière de culture, il était préférable de se débarrasser aussitôt que possible de ce qui pouvait nous faire douter (même si le doute peut être un moteur, dans d'autres situations) de notre niveau, élémentaire peut-être, en matière de lecture de films. Ce qui risquerait d'être avéré, si d'autres sources abondaient dans le même sens. Qui aurait le trait de génie d'écrire: «Omar, la fraise» Genre: Scorsese à Alger et de le résumer ainsi: «Deux truands en exil, à Alger. Avec l'évidente complicité entre un Benoît Magimel- impérial et dense, à la présence menaçante et désinvolte-, et un Reda Kateb - aussi instable et explosif que drôle et poignant - qui marquera l'histoire du cinéma.». Le prochain critique de génie qui soutiendrait ce genre d'affirmations aura droit à son poids en fraise de Skikda! Quant au critique du journal suisse «Le Temps», il ne pourra, hélas, pas prétendre à son lot de fraises de Skikda, pour avoir mêlé les maçons à tout cela: «(...) Le temps d'échanger des sacs avec des Bédouins et de rentrer à Alger se faire voler leur came par une bande rivale, on a saisi l'horizon cinéphile du réalisateur Elias Belkeddar, entre Quentin Tarantino et le clip vidéo. Tout espoir suscité par la présence de Reda Kateb et Benoît Magimel s'évanouit déjà devant la fausseté cool des dialogues, la laideur de la photo surcolorée et un montage à la truelle. À partir de là, les choses ne peuvent que s'améliorer... légèrement.»(...) Enfin et même si l'engagement de ne rien dire sur ce film, afin de laisser le spectateur algérien s'en faire une idée (ou pas) reste d'actualité, rien n'interdit de dire que Benoît Magimel et Reda Kateb ont fait le job avec talent et ravissement. Et que Meriem Amiar aura signé d'une élégante et très convaincante manière sa présence. Post-scriptum: Cannes-1983: Conférence de presse de «L'année de tous les dangers» (de Peter Weir) avec Sigourney Weaver et Mel Gibson. Un journaliste s'adresse à Mel Gibson lui signalant qu'il était censé dénoncer une dictature et d'aller tourner le film aux Philippines un autre pays dictatorial... - Mel Gibson: You know, I'm not a political animal... - Sigourney Weaver (murmurant): Just an animal!...