Les Brics multiplient les signaux quant à leur volonté de se poser en alternative à l'actuel ordre mondial. S'il n'est pas question pour les pays qui le composent, de faire de leur organisation le moteur exclusif du nouvel ordre qui pointe à l'horizon, la Chine et ses amis n'en dressent pas moins les grands traits du monde de demain. La posture éminemment politique assumée par le Conseil des ministres des Affaires étrangères des Brics apporte les premiers éléments de réponse sur certaines questions laissées pendantes par les «maîtres» du moment. Les Occidentaux, pour ne pas les citer, modulent à leur guise la légalité internationale et se substituent trop facilement à la communauté internationale. Cette manière de gouverner n'aura pas droit de cité, notamment sur la question du Sahara occidental. Cette «intrusion» dans un dossier piloté à sens unique, par quelques membres du Conseil de sécurité de l'ONU, à coups de veto et de dérobades, rabat les pièces de l'échiquier international. Cet intéressant développement des relations entre un pôle dominant, mais vieillissant et un autre émergent et faisant montre d'une vigueur attractive pour des dizaines de pays, renvoie directement à la perspicacité du président de la République qui a décidé d'inscrire le dossier Brics dans l'agenda de la diplomatie algérienne. Premier politique à avoir lancé l'idée d'une adhésion à ce conglomérat de pays émergents, Abdelmadjid Tebboune a placé la barre à un niveau qui a rendu le pays bien plus visible qu'il ne l'était à l'échelle de la planète. Même si avant la déclaration retentissante du chef de l'Etat, l'Algérie pesait sur pas mal de décisions régionales au niveau des institutions internationales, l'annonce de sa candidature à l'adhésion aux Brics l'a propulsé au-devant de la scène et pas mal d'analystes en géopolitique ont mis le pays sur une orbite intéressante. Ces commentateurs de la vie des nations n'ont pas agi sur un simple souhait de l'Algérie, mais ont soupesé la réaction de la Chine, de la Russie, de l'Afrique du Sud et du Brésil. L'unanimité fait au sein des Brics et l'invitation adressée au président de la République d'assister à un Sommet en visioconférence présidé par la Chine, atteste de l'intérêt que portent les Brics à la candidature de l'Algérie. Et comme pour signifier cet accord annoncé, la photo souvenir du Sommet, montée par la diplomatie chinoise, mettait le président Tebboune à la droite de son homologue chinois, président du Sommet. Le coup de génie du président de la République aura donc été de forcer un peu le destin et de mettre le pays dans l'obligation de hausser significativement son PIB. La conséquence à l'interne est déjà évidente. La course vers la numérisation totale de toutes les activités gouvernementales, les réformes financières, la diversification économique à pas de charge, la lutte sans merci contre la bureaucratie et la corruption, sont autant d'actions, dont la finalité est de parvenir à une gouvernance susceptible de rendre l'Algérie plus attractive aux investissements directs étrangers. Lesquels constituent l'un des défis majeurs qui sous-tend la demande d'adhésion aux Brics. Les grands projets structurants nécessitant des investissements colossaux, bien au-delà des capacités nationales, que le président Abdelmadjid Tebboune discutera avec Xi Jinping lors de sa visite en Chine, sont l'un des aboutissements de cette adhésion annoncée et acceptée. Dans le même temps, l'intérêt grandissant de l'Italie et de l'Allemagne dans plusieurs filières industrielles, les investissements envisagés par les Etats-Unis dans le gaz et l'agriculture, l'empressement français de conclure des partenariats avec Alger, constituent ce qu'on pourrait qualifier d'une contre-offensive de l'ancien monde pour ne pas perdre un partenaire stratégique, posté à l'entrée d'un continent africain plus que prometteur. Aussi, l'alliance qu'entend conclure l'Algérie avec les Brics ne relève pas d'un processus d'allégeance à de probables maîtres du monde en devenir, mais pour renforcer sa position de pays non aligné, leader africain et bientôt locomotive de la croissance du continent noir. Pour le président Tebboune, l'adhésion aux Brics n'est certainement pas une fin en soi, mais un marche-pied pour donner à l'Algérie une perspective géopolitique assez large, au point de peser sur l'économie de sa région d'influence, mais aussi pour en finir définitivement avec les injustices de l'Occident qui empêche deux peuples de s'affranchir de la colonisation: la Palestine et le Sahara occidental.