Au fil des années, Constantine s'est transformée en un immense ghetto pour ses habitants. En été, elle est tout simplement invivable, et ce n'est pas uniquement à cause des conditions climatiques. Si la ville de Ben Badis à perdu tous les repères qui lui assuraient, durant les années 1970 et même 1980, sa notoriété de cité conviviale, c'est un peu parce qu'elle a subi de plein fouet la «dépression» terroriste, mais, ce n'est pas tout pour expliquer la léthargie qui l'enveloppe chaque été. Les élus locaux, qui se sont succédé à la tête de ses assemblées n'arrivent toujours pas à trouver la bonne recette. Officiellement, Constantine s'obstine à relooker, chaque été, ses atouts culturels d'autant mais le résultat est à chaque fois lamentable. On n'arrive pas à capter l'attention de ces milliers de jeunes branchés ailleurs. Parler de loisirs à Constantine n'est pas une «mission de tout repos». Il n'est pas exagéré de dire, sans risque d'être démenti, que c'est le désert! Aucune infrastructure digne de ce non. Depuis qu'elle a perdu sa Brèche où les familles venaient, il y a maintenant plus de 15 ans, déguster une coupe de glace, une boisson fraîche et en plein centre-ville, Constantine devient une ville morte dès le premières heures de la soirée. Certains de ses quartiers sont devenus des lieux à hauts risques. Ses ruelles se sont transformées en coupe-gorge. L'insécurité a pris des proportions plus inquiétantes. Il n'est plus question de sorties nocturnes pour les familles. Hormis les visites familiales et les mariages, c'est le coma profond ! Signe des temps, même les salles des fêtes, du moins les plus huppées, évitent d'abriter des festivités nocturnes à cause de l'insécurité. Les malfrats de tout acabit n'attendent que ces occasions où les femmes sont parées de leurs bijoux pour s'emparer du «butin». Alors on se prépare à ne pas courir le risque. La nouvelle entreprise de transport public essaie, quant à elle, d'entretenir une mince illusion de vie nocturne en assurant des navettes jusqu'à 22 heures. Hélas, il n'y a pas où aller. Dès la prière de Icha, les rues commencent à se vider. On se presse de rentrer chez soi. Il n'y a rien à faire dehors. Pas de théâtre, pas de cinéma, pas de galas et encore moins de tournois de foot ou de pétanque nocturnes. Si, dans les années 1990, c'était «houkoumet elleil» qui faisait la loi, aujourd'hui, ce sont les voyous, les repris de justice et les trafiquants de drogue qui dominent. Il y a quelques semaines, des voyous avaient attaqué un bus à destination de la Nouvelle-ville Ali Mendjli, non sans avoir dérobé argent, portables et bijoux. De quels loisirs peut-on parler dans ce climat pourri d'une ville, jadis rayonnante, livrée à présent aux malfrats? Des quelques boutiques qui vendent de la glace à Sidi Mabrouk ou Boussouf jusqu'à des heures assez tardives, c'est vraiment absurde et peu pour une cité d'un million d'âmes. En dehors de ces deux havres de paix, les familles n'ont pas où aller. Pour la plupart, elles restent devant la télé et personne ne fait rien pour les aider à sortir de leurs «cellules barreaudées».