Réagissant aux déclarations des partis et organisations islamistes, le ministre de l'Education déplore “une controverse entretenue” et explique la nécessité d'éviter “une spécialisation précoce dans les lycées”. Sa suppression, envisagée en même temps que sept autres sections techniques, entre dans le cadre de la réforme du palier postfondamental, avec comme objectif d'éviter la spécialisation précoce des lycéens, souvent à l'origine de leur échec à l'université. C'est en tout cas l'opinion défendue par le ministre, Boubekeur Benbouzid, sans que personne y ait trouvé à redire. Or, ces derniers jours, à la faveur d'une grogne des étudiants de l'université des sciences islamiques Emir-Abdelkader de Constantine entretenue par l'Ugel (Union des étudiants libres — affiliée au MSP —), les partis islamistes dont le MSP évidemment, sont sortis de leurs gonds, pour contester à leur tour la suppression de la fameuse filière. Si officiellement, les étudiants constantinois motivent leur opposition à la décision ministérielle par la crainte de ne pas trouver d'emploi dans l'enseignement, la sortie du MSP et d'El-Islah est foncièrement politique. Dans une question orale initiée, mercredi dernier, par son groupe parlementaire, la formation d'Aboudjerra Soltani s'élève contre la mesure de Benbouzid, la qualifiant de “provocatrice” et aux antipodes de la politique du gouvernement visant à “faire comprendre le bon islam”. Comme le MSP, le Haut conseil islamique (HCI) dirigé par Cheikh Bouamrane dénonce l'absence d'une concertation préalable à la suppression de la filière de la charia. Pourtant, ni le HCI ni le MSP n'ont participé à la réforme du système éducatif. Cette politique engagée par le gouvernement associe trois partenaires uniquement : l'éducation nationale, l'enseignement supérieur et la formation professionnelle. Dans une déclaration, jeudi matin, à la Chaîne III de la radio nationale, M. Benbouzid a martelé cette évidence. Sa sortie médiatique s'est voulue une réponse claire et définitive aux tenants de la polémique. Déplorant une “controverse entretenue” par des parties dont il n'a pas voulu dévoiler l'identité, le ministre s'est employé à clarifier les choses. Son intervention à la radio était précédée d'un communiqué diffusé la veille par ses services. “De toutes les spécialités différées, les sciences juridiques font l'objet, actuellement, d'une controverse nourrie et entretenue, consciemment ou inconsciemment par certaines parties qui ne font pas de distinction entre les sciences juridiques (charia) en tant que filière et l'éducation islamique en tant que discipline dans les programmes officiels du ministère de l'éducation nationale”, stipulait la mise au point du ministère. Brahim Khellaf, chef de cabinet, renouvellera ce démenti au cours d'une conférence de presse, improvisée, jeudi matin, au siège du département de l'éducation nationale. Initialement, cette rencontre avec les journalistes devait être animée par le ministre, qui, non content de sa prestation radiophonique, voulait ratisser large. Retenu par la cérémonie commémorative du 19 mai (la journée de l'étudiant) tenue à la faculté centrale d'Alger, il sera remplacé par son principal collaborateur. M. Khellaf était accompagné du directeur de l'enseignement secondaire et de deux conseillers du ministre, dont M. Achour Seghouani, concepteur de la réforme de ce palier. Distinguant à son tour la filière des sciences de la charia et la matière de l'éducation islamique, le chef de cabinet indiquera qu'il n'a jamais été dans l'intention de la tutelle de sacrifier la discipline en question, enseignée à tous les paliers de l'enseignement. “Bien au contraire, elle constitue une dimension importante prise en compte dans l'élaboration des programmes, comme l'histoire et l'éducation civile”, a-t-il observé. Faisant valoir l'importance de l'éducation islamique, il a soutenu que 30 à 45 heures de cours lui sont consacrées par an. Quant à la filière de la charia proprement dite, son annulation répond au souci de privilégier un enseignement de base solide. En réitérant cet argumentaire, M. Khellaf a évoqué le sort identique réservé aux six sections techniques. Selon lui, elles présentent toutes “un caractère universitaire”. Une fois leur bac en poche, les admis auront le droit d'opter pour la spécialité de leur choix, dont la charia, pour laquelle l'accès a été institué en vertu d'une décision de Rachid Harraoubia datant du 9 avril 2005. S'agissant des élèves actuellement scolarisés dans cette filière au lycée, leur avenir n'est point compromis, “Ils poursuivront leur cursus normalement et tous les candidats, y compris libres, soit 40 000 représentant 7% de l'ensemble des postulants, passeront le bac sans encombre”, a précisé le collaborateur de M. Benbouzid. Les mêmes assurances valent pour les enseignants qui ne seront pas licenciés, mais orientés vers d'autres disciplines. Le problème de leur reconversion ne devrait pas se poser car à l'origine, 26% uniquement des professeurs des sciences islamiques sont des spécialistes du domaine. D'ailleurs, une grande pénurie est ressentie dans les établissements scolaires, si bien que les diplômés de l'Université de Constantine n'ont aucun souci à se faire pour trouver un emploi. Selon M. Saâd Zaghache, directeur de l'enseignement secondaire, la moitié des professeurs de l'éducation islamique assurent également des cours d'arabe. En somme, beaucoup de bruit pour rien. En 1991, le bac comportait 28 filières. Plus de dix avaient été supprimées sans susciter la moindre contestation. Samia LOKMANE