Il aura fallu pour cela beaucoup de tact aux services de sécurité pour mettre de l'ordre dans les déplacements. La célébration du cinquantenaire du Congrès de la Soummam a été particulière à plus d'un titre. Outre le retour des officiels après cinq années d'absence, il y a lieu de noter cet engouement populaire jamais constaté sur les lieux pour un événement historique de cette envergure. Il faut dire que les citoyens, les structures politiques, culturelles et organisations de masse étaient au rendez-vous donnant à ce cinquantenaire un cachet original qui ne devait être que le sien. Incontestablement, il eut une véritable mobilisation aussi bien de la part de l'Etat qui a mobilisé, pour la circonstance, pas moins de trois ministres que des partis politiques, notamment le FFS et le Mouvement citoyen des archs. Tout ce beau monde, au même moment et au même lieu, donnait une situation des plus incontrôlables. Il aura fallu pour cela beaucoup de tact aux services de sécurité pour mettre de l'ordre dans les déplacements. La sérénité qu'a caractérisé cette célébration est l'autre fait méritant d'être relevé et qui n'est pas sans honorer la région qui, comme en 1956, s'était mobilisée pour la tenue d'un événement, le Congrès de la Soummam, une des plus grandes étapes de la Révolution algérienne. Un événement ayant donné les premières bases de la République moderne tant au plan politique que de la stratégie du développement. C'était la meilleure façon de rendre hommage aux artisans de ce Congrès comme ont tenu à le souligner les nombreux présents aux festivités d'hier. Il est 8 heures du matin, la structure aéroportuaire portant le nom de Abane Ramdane, le principal animateur du Congrès de la Soummam, grouillait de monde. Des milliers de véhicules étaient réquisitionnés pour le déplacement de la délégation en provenance de la capitale par avion spécial. Le flou entretenu quant aux personnalités politiques devant y prendre part, était présent dans l'air. On ne savait pas si le président de la République faisait partie de la délégation ou encore le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. Personne n'était en mesure d'avancer la moindre affirmation à ce sujet. C'est, une fois le départ que l'on apprendra que l'Etat algérien a mobilisé trois de ses ministres, à savoir, Souad Bendjaballah, ministre déléguée à la Recherche scientifique, Mohamed Chérif Abbas, ministre des Moudjahiddine, Ould Kablia, ministre délégué aux Collectivités locales, à côté du président de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), celui de l'Organisation nationale des enfants de chouhada (Onec), et un représentant de l'Organisation nationale des enfants de moudjahidine (Onem) ainsi que les scouts. Une forte délégation représentant l'Etat algérien prenait le chemin d'Ifri-Ouzellaguen. Vers 9h30, la délégation officielle arrive au chef-lieu de daïra d'Ouzellaguen pour procéder immédiatement au rituel dépôt de fleurs. Sur le chemin, le siège local du FFS jouxtant la RN26, à l'entrée de la ville, grouillait de monde. De loin apparaissait une masse humaine attendant le feu vert pour le déplacement à Ifri. Comme en pèlerinage... Le parti d'Aït Ahmed a fait visiblement le plein pour la circonstance. Il faut souligner que le flou entretenu quant à la présence d'Aït Ahmed aura été l'élément essentiel de cette mobilisation. On apprendra, sur place, que le chef charismatique ne sera pas présent et que le FFS retardait le recueillement de quelques heures. Sur le chemin menant à Ifri, des citoyens étaient en route munis de bouteilles d'eau..d'Ifri, justement. Ils se rendaient comme en pèlerinage par petits groupes. Ils avançaient doucement sous un soleil de plomb. Ils étaient si nombreux que la délégation officielle a été obligée de marquer des arrêts. A deux kilomètres du village qui avait abrité, en 1956, le Congrès de la Soummam, le gros de la délégation était obligé de s'arrêter, seules les voitures ministérielles avaient droit de passage. Les autres membres étaient contraints alors à une marche à pied, comme quoi il n'est jamais trop tard de faire du sport, non pas moins de deux kilomètres. Sur les lieux, la placette était noire de monde. Un noir coloré cependant par l'emblème national que tenaient les enfants, les femmes et les vieux. Il y avait tellement de monde que les services d'ordre peinaient à organiser la procession ministérielle. Entre le dépôt de gerbes de fleurs, la visite à la maisonnette et l'inauguration de la fresque portant le logo du cinquantenaire du Congrès de la Soummam et la présentation de la maquette du mémorial dédié aux martyrs de la Révolution, près de deux heures étaient passées. La présence d'Abdelhafid Amokrane, secrétaire de séance lors du Congrès, n'est pas passée inaperçue. Malgré son âge avancé, il était là et appréciait ce moment de recueillement, se remémorant sans doute les souvenirs d'il y a cinquante ans. «Je revis ma jeunesse en vous voyant ici présents et si mobilisés» commentera-t-il. Tahar Zbiri, Hocine Benmaâlam ont tenu également à marquer l'événement par leur présence remarquée. Dans une prise de parole, Mohamed-Chérif Abbas a exhorté les jeunes à se mobiliser comme leurs aînés au service du pays. «Le Congrès de la Soummam a été l'une des plus grandes étapes de la Révolution» a-t-il affirmé. A noter le bain de foule des ministres sous les regards des milliers d'hommes, enfants et femmes dont les youyous de ces dernières résonnaient jusqu'à l'autre colline de la montagne. La population d'Ifri aura fait montre d'une présence très remarquée et remarquable. «C'est extraordinaire ce que je vis aujourd'hui» s'exclame un citoyen venu d'Annaba pour l'événement avant de faire part de ses impressions marquées par un enthousiasme semblable à celui de cette vieille moudjahida qui, brandissant l'emblème national racontait aux jeunes, les larmes aux yeux, comment s'étaient déroulés les préparatifs du Congrès «Nous étions chargés de préparer la nourriture, je me rappelle avoir préparé plus de cinquante galettes». «Les femmes ont aussi beaucoup contribué», jugeait un citoyen qui nous a avoué faire ce pèlerinage chaque année en précisant: «C'est la première fois que je vois autant de monde». Nous n'avions pas fini de discuter qu'on nous annonce que c'est l'heure du départ pour un couscous offert à l'occasion en l'honneur de la délégation. Dans le respect et le recueillement Le retour n'a pas été des plus faciles. La délégation officielle a connu tout le mal du monde pour redescendre vers la ville d'Ouzellaguen et pour cause! D'abord l'arrivée sur les lieux de la délégation du comité provisoire de célébration, parrainé par Mme Abane dont l'absence était cruelle. Hocine Zehouane, président de la Ligue des droits de l'Homme, a tenu à souligner les deux messages d'Ifri, délivrés respectivement en 1956 et en 2006. Il s'agit de la «renaissance de l'Etat algérien dans un contexte de guerre avec des structures para-étatiques» et la «refondation constitutionnelle». M. et Mme Chaulet dont l'apport pour la Révolution est loin d'être négligeable, avaient du mal à se frayer un chemin vers la maisonnette. La délégation du FFS était en chemin. Des milliers de partisans d'Aït Ahmed, contraints d'abandonner leurs véhicules, rallient la placette d'Ifri, à pied, donnant l'impression d'une véritable marche, à sa tête Ali Laskri, premier secrétaire du parti, qui se faufilait entre les véhicules officiels. «Le FFS a-t-il de l'avance ou bien avons-nous du retard» s'interrogeait un membre de la délégation ministérielle. Ce croisement des deux délégations s'est déroulé dans la plus grande sérénité. Aucun dépassement n'a été constaté. Plus bas, en ville, les archs constituaient la troisième délégation à se bousculer pour le recueillement. Eux aussi ont mobilisé une foule dense allant jusqu'à procéder au rituel double dépôt de gerbes de fleurs sur la tombe des martyrs du Printemps noir et ceux de la Révolution nationale, à travers une véritable marche populaire. Etant conscients de l'encombrement à Ifri, ils ont dû se contenter d'une délégation. Après le meeting populaire au cours duquel les délégués se sont succédé pour rappeler la symbolique de l'événement et rendre hommage aux artisans du Congrès de la Soummam auxquels ils ont dédié leur université d'été ouverte samedi à Béjaïa. Le FFS aura réussi le pari de tenir un meeting à Ifri. Son premier secrétaire réitérera les positions traditionnelles du parti. Un serment porté en dix points dont l'identité, la cohésion sociale etc..a été rendu public avec un engagement du FFS à être «l'instrument de l'alternative démocratique». En quittant Ifri en direction de Béjaïa on a ce sentiment d'avoir vécu une des journées les plus marquantes de l'histoire de l'Algérie contemporaine. Le cinquantenaire du Congrès de la Soummam aura eu l'éclat qu'il mérite. On peut aisément conclure à une célébration digne et à la hauteur de l'événement en dépit du goût d'inachevé laissé par l'absence du chef de l'Etat qui était espérée jusqu'à la dernière seconde sur les lieux qui ont vu les premiers jalons de l'Etat algérien moderne.