Plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi en Espagne pour réclamer «justice» un an après la tentative d'entrée massive de migrants ayant fait au moins 23 morts dans l'enclave espagnole de Melilla, sur la côte nord du Maroc. Ces «marches pour la justice», lancées à l'appel de plusieurs associations de défense des droits humains, visaient notamment, selon les organisateurs à dénoncer l'absence d'»enquêtes réelles et indépendantes» sur ce drame, resté à ce stade «impuni». A Melilla, la manifestation a réuni entre 200 et 300 personnes, rassemblées près du poste-frontière où a eu lieu voilà un an la tragédie, autour de banderoles défendant le «droit de migrer» et le «droit de vivre», a-t-on constaté. Un an après, beaucoup de familles n'ont toujours pas «identifié ni enterré leurs morts», et il n'y a pas eu d'»enquête indépendante» permettant «aux proches des victimes de connaître la vérité», a dénoncé Quinndy Akeju, une militante antiraciste. Plusieurs autres rassemblements ont eu lieu ailleurs en Espagne, notamment à Madrid et Barcelone. Le 24 juin 2022, près de 2.000 clandestins originaires principalement du Soudan - un pays très pauvre miné par les conflits - avaient tenté de pénétrer à Melilla en prenant d'assaut la haute clôture séparant cette ville espagnole de la ville marocaine de Nador. Selon Rabat, 23 migrants ont trouvé la mort ce jour-là, soit le bilan le plus lourd jamais enregistré pour une tentative d'intrusion dans cette enclave ou dans celle voisine de Ceuta, les deux seules frontières de l'UE sur le continent africain. Mais l'ONG Amnesty International et des experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU évoquent un bilan d'au moins 37 morts, alors que 76 migrants sont depuis portés disparus, selon des groupes de défense des droits humains.»Il y a clairement une stratégie» des autorités espagnoles et marocaines pour «occulter ce qui s'est passé», assure Esteban Beltran, directeur de la branche espagnole d'Amnesty international, évoquant «un désastre pour les droits humains». Pointés du doigt après cette tragédie, Rabat et Madrid ont nié tout usage excessif de la force et accusé les migrants d'avoir été «violents» envers leurs policiers. Selon Rabat, les migrants sont morts en tombant de la clôture métallique ou bien étouffés dans des «bousculades». En Espagne, le parquet espagnol a donné raison à ces versions, en classant sans suite l'enquête ouverte après le drame. «On ne peut pas conclure que l'action des agents» espagnols «ait augmenté le risque pesant sur la vie et l'intégrité physique des migrants», a-t-il estimé. Au Maroc, le parquet de Nador a également ouvert une enquête «qui n'a pas permis de déterminer la moindre responsabilité». Cette double manoeuvre a profondément choqué les ONG et les familles des victimes qui ont estimé qu'elles obéissent à des injonctions gouvernementales visant à occulter le drame et éviter par-là même la reconnaissance d'une responsabilité quelconque. C'est pourquoi, en revanche, 87 survivants du drame ont été condamnés à des peines allant jusqu'à quatre ans de prison par le tribunal de Nador, un déni de justice courageusement dénoncé par l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH).