L'opposition a donné de la voix au Sénégal, où un concert de casseroles a retenti samedi soir à Dakar et dans plusieurs localités à l'appel de l'opposant Ousmane Sonko, candidat à l'élection présidentielle de 2024, qui entendait par cette manifestation protester contre l'interdiction de son meeting d'investiture. Ousmane Sonko, 49 ans samedi, investi candidat par son parti jeudi, voulait officialiser cette candidature par un rassemblement prévu durant l'après-midi dans un stade situé dans la banlieue de Dakar. La manifestation a été interdite par le gouverneur de Dakar pour «risques de troubles à l'ordre public». En boubou et chéchia rouges, une tenue arborée en signe de colère, l'opposant a samedi soir lancé «symboliquement» le concert de casseroles, prévu de 20H30 à 21H00 (locales et GMT), en frottant pendant plusieurs minutes des ustensiles de cuisine devant son domicile à Dakar, selon des images sur sa page Facebook. «Nous avons opté pour cette méthode qui nous permet de nous exprimer de la manière la moins violente possible pour émettre un message fort au président Macky Sall. Le Sénégal a besoin d'apaisement, de stabilité, de tranquillité et de liberté», a dit à la presse Ousmane Sonko, après des troubles meurtriers dans le pays début juin. L'appel a été bien suivi dans plusieurs quartiers de Dakar et dans des villes comme Ziguinchor (sud) et Mbacké (centre). Il l'a été beaucoup moins dans d'autres localités comme Kolda (sud) et Rufisque, près de la capitale, selon la presse, des témoins et des images sur les réseaux sociaux. Aux Parcelles assainies, un quartier de Dakar, Malick Diédhiou, un militant du parti de M. Sonko, a participé au concert de casseroles pour «délivrer un message de paix» et «pour montrer son mécontentement car les agissements de l'Etat contre Sonko sont illégaux». Ousmane Sonko est bloqué par les forces de sécurité chez lui à Dakar, «séquestré» ne cesse-t-il de revendiquer, depuis le 28 mai. L'opposant a été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de moeurs, un verdict qui le rend inéligible en l'état, selon ses avocats et des juristes. Il a par ailleurs été le 8 mai condamné à six mois de prison avec sursis lors d'un procès en appel pour diffamation, une peine largement perçue comme le rendant inéligible pour la présidentielle. Mais il n'a pas encore épuisé ses recours devant la Cour suprême. Ousmane Sonko a affirmé vendredi soir dans une déclaration qu'il «reste éligible», accusant le président Sall de «complot» pour l'écarter de la présidentielle. Macky Sall s'en défend. Elu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, il a déclaré le 3 juillet n'être pas candidat à la présidentielle de 2024, après avoir laissé perdurer le suspense pendant des mois et au risque de décevoir les militants de son parti qui appelaient avec insistance à sa candidature. Sonko, qui a parfois appelé à passer outre les interdictions de manifester, a également appelé à «arborer une couleur rouge» pour protester et «poser des actes forts pour la paix». En dépit des procédures judiciaires, «je reste éligible» à la présidentielle de 2024, a-t-il répété. Il s'exprimait au lendemain de son investiture par son parti. «A l'issue d'un processus d'investiture transparent et démocratique, Ousmane Sonko, jouissant de l'intégralité de ses droits civils et politiques, est désigné à l'unanimité des suffrages exprimés, candidat de PASTEF-Les Patriotes pour l'élection présidentielle du 25 février 2024», a indiqué sa formation dans un communiqué transmis aux médias vendredi dernier. L'investiture de Sonko a eu lieu jeudi lors d'une réunion de la Haute autorité de régulation du parti (HARP), un organe de Pastef, qui a validé les décisions issues des délégués des 46 départements du Sénégal et de la diaspora, dit le communiqué.»Nul ne peut empêcher l'investiture du Président Ousmane Sonko ainsi que sa participation à l'élection présidentielle», affirme le communiqué de Pastef. Le 6 juillet, l'opposant a promis un «chaos indescriptible» s'il est empêché d'être candidat à la présidentielle. Sa condamnation a engendré début juin les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, qui ont fait 16 morts selon les autorités, une trentaine selon l'opposition.