Le coup d'Etat du 26 juillet 2023 au Niger est venu s'arrimer, d'une part, à l'insécurité qui règne, notamment en Libye depuis les soulèvements populaires de 2011 suivi du conflit de moyenne intensité et, d'autre part, aux turbulences politiques récurrentes au Mali. Ces crises et conflits dits de «faible et moyenne intensité» dans les pays du voisinage de l'Algérie, continuent à miner la stabilité dans la région sahélo-saharienne avec un impact certain sur le développement économique sous-régional. C'est ainsi que sur une large étendue frontalière de l'Algérie, nombre de fléaux se sont multipliés. Les frontières algériennes sont ainsi menacées autant par les groupes extrémistes violents que par le trafic d'armes en provenance de Libye, le narcotrafic à partir du Maroc et du flan oriental du Sahel, et des déplacements de migrants à partir de l'Afrique subsaharienne. Nombre d'observateurs avertis diront que les forces armées du Niger sont enclines aux coups d'Etat. Cette fois-ci elles ont renversé le président Mohamed Bazoum en invoquant l'aggravation de la situation sécuritaire liée à la violence islamiste, à la corruption et aux difficultés économiques. Le chef de la junte militaire, le général Abdourahmane Tchiani, a mis en garde le bloc régional, la Cédéao, et ses alliés contre une intervention militaire visant à rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Ce putsch au Niger est le dernier en date en Afrique marquant un déclin constant de la gouvernance en Afrique subsaharienne, selon plusieurs observateurs. En effet, au cours des quatre dernières années, des militaires se sont emparés du pouvoir au Burkina Faso, en Guinée, au Mali, au Soudan et au Tchad. Contrebande, narcotrafic et terrorisme Selon des observateurs avertis, ce coup d'Etat au Niger demeure inquiétant pour la stabilité de la région et de la sous-région où les forces armées avec leurs partenaires de l'Alliance Atlantique mènent, non seulement des opérations de lutte contre les Organisations violentes extrémistes (VEO), mais également des actions contre le banditisme transnational incluant le trafic d'armes et le narcotique, ainsi que l'immigration clandestine. Niamey est ainsi devenu un pivot sahélien essentiel pour les opérations antiterroristes, notamment. Ce pays, riche en uranium utile à la conversion énergétique et à l'industrie alternative, d'une population de 26 millions d'habitants et dépendant très fortement de l'aide étrangère, constitue une des portes d'entrée pour les migrants en direction de la traversée de la Méditerranée vers l'Europe. En ce sens que les passeurs de migrants pourraient exploiter la crise politico-sécuritaire actuelle au Niger pour en tirer le maximum de dividendes. Avec la multiplication des conflits d'intensités variables, la bande sahélo-saharienne est devenue un espace prospère pour le trafic de toutes sortes d'armes. La circulation d'armes est à la fois une conséquence et un facteur du développement des autres trafics (drogue, migrants, etc.) Les armes en provenance de Benghazi transitant par le Tchad et le Niger à l'issue de la guerre en Libye de 2011 fait apparaître un trafic d'armes à grande échelle au Sahel. Les mercenaires mauritaniens, maliens ou nigériens qui combattaient dans les rangs de l'armée régulière libyenne se sont repliés dans leurs pays d'origine lourdement armés. Le trafic via le Niger se poursuit par ces «ex-mercenaires» qui auraient dissimulé de l'armement en territoire mauritanien et nigérien. Cet armement se vend au plus offrant et les groupes terroristes présents dans la région (Aqmi, Mujao, BokoHaram, Daesh, Al-Shebab, etc.) en profitent largement grâce aux revenus générés par le narcotrafic et les rançons d'otages. En termes d'analyse, il est clair que l'armée nigérienne a une longue tradition de coups d'Etat militaires. En effet, la veille de son investiture, le président Mohamed Bazoum lui-même avait échappé à une tentative de putsch, et tout récemment, une autre tentative aurait été déjouée alors qu'il se trouvait en Turquie. Selon nombre d'observateurs, avec une telle fréquence, et avec la conviction apparente de l'armée qui est un acteur politique à part entière, la possibilité était grande d'avoir un coup d'Etat. Le Niger a indéniablement un problème avec son armée qui est structurellement considérée comme «putschiste». Le système politique, après les hauts et les bas liés à la tentative du président Mamadou Tandja (au pouvoir de 1999 à 2010) lorsqu'il a été déposé par les militaires au moment de briguer un troisième mandat par le biais d'un amendement à la Constitution, semble de plus en plus un référentiel. Le parti au pouvoir, le Pnds-Tarayya, dirigé par le président Bazoum, n'est pas un parti de compromis, mais plutôt d'autorité. Le principal effet de cette ambition a été d'utiliser les ressources du pouvoir pour réaliser ce que les Nigériens appelaient «l'écrasement» (des autres partis politiques). L'outil le plus utilisé dans ce sens était la possibilité de mobilité politique, dénommé le «nomadisme politique», c'est-à-dire le fait de changer d'appartenance, en tant que député, lorsqu'on avait été élu sous un tel ou tel parti politique. Un «nomadisme politique» également utilisé au Mali par Ibrahim Boubacar Keïta, l'ancien Président renversé lui aussi par un coup d'Etat militaire. Selon les observateurs, le système politique nigérien a gardé l'apparence d'une démocratie mais est devenu en fait une sorte de régime à parti unique, avec une opposition, d'une part, cooptée et, d'autre part, affectée par des enquêtes judiciaires. Acteurs internationaux au Niger La conséquence de cette évolution est que si la politique ne peut se faire sur son propre terrain, celui des relations entre partis politiques et des activités au sein des institutions politiques (Assemblée nationale, Assemblées régionales et municipalités), elle se fait là où elle ne devrait pas se faire, c'est-à-dire dans l'administration et l'armée. Certains observateurs avertis soulignent que le Pnds a une part de responsabilité indirecte dans ce putsch décrit comme un «putsch opportuniste» dont les auteurs se sont inspirés des coups d'Etat militaires au Mali et au Burkina Faso et ont exploité le mécontentement de la population nigérienne face à la situation économique et sécuritaire (activités extrémistes islamistes violentes dans le sud-ouest et le sud-est) et le ressentiment populaire à l'égard de l'Occident global en général et la France, en particulier. La France est présente actuellement sur le sol du Niger avec environ 1 500 militaires qui faisaient initialement partie d'une vaste opération dans la région de l'Afrique de l'Ouest. Face au ressentiment croissant anti-français dans les anciennes colonies du continent africain en quête de recouvrer leur indépendance économique et celle des valeurs, Paris a dû se résigner à retirer la plupart de ses troupes du Mali et du Burkina Faso, notamment. Une prise de pouvoir militaire au Tchad, jusqu'alors proche allié de la France, a davantage affaibli l'alliance. Depuis la prise de pouvoir au Niger par le général Tchiani, la France, ainsi que l'Union européenne (UE), ont immédiatement suspendu leur coopération en matière de sécurité et leur aide financière au Niger. Au titre de rappel, en février 2023, l'UE avait annoncé une mission de formation militaire de 30 millions USD. Les Etats-Unis d'Amérique, pour leur part, qui disposent d'un millier de militaires et d'investissements importants sont, selon des observateurs avertis, confrontés à un dilemme concernant leur future alliance de sécurité avec le Niger. Plus de 500 millions USD ont été alloués par les USA entre 2012 et 2021 pour l'assistance militaire et l'équipement du Niger, considéré par Washington comme l'un des plus grands programmes d'assistance à la sécurité en Afrique subsaharienne. Les forces armées américaines font voler des drones de surveillance et des drones armés depuis la région d'Agadez (nord du pays) à la suite d'un accord avec le Niger visant à améliorer la réponse aux menaces sécuritaires dans la région. De plus, l'armée américaine organise des exercices militaires annuels, dénommés Flintlock, avec diverses armées africaines. Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a déclaré à l'issue de ce coup d'Etat que: «....des centaines de millions de dollars d'assistance au Niger étaient menacés...». Ce qu'il faut savoir L'Allemagne, outre l'Italie, dispose également d'un peu plus de 100 militaires stationnés au Niger. Un rapport de l'hebdomadaire allemand le Hamburg Die Zeit, souligne que: «...l'Allemagne est le partenaire le plus important de l'Occident et dernier bastion des Etats-Unis et de l'Europe sur une étendue de terre d'une importance stratégique considérable qui tombe. Sans le soutien militaire de l'Occident, la force régionale du G5 Sahel dont la capacité a été réduite après le retrait du Mali en mai 2022 risque d'avoir encore plus de mal à endiguer la vague de violence djihadiste qui se propage dans le Sahara...». Quant à la Chine ou la Russie, leur présence au Niger reste dérisoire présentement. Face à cette crise politico-militaire au Niger, l'Algérie en condamnant officiellement le coup d'Etat et en mettant en garde contre toute action militaire extérieure qui risque d'embraser la sous-région, réaffirme de manière indirecte les principes fondamentaux qui guident sa politique de gestion de ses frontières, à savoir: Le principe de bon voisinage;Le principe d'intangibilité des frontières; Le principe de respect de bornage des frontières et le développement des régions frontalières;Le principe de la souveraineté dans ses espaces terrestre et aérien;Le principe de non-ingérence. La nouvelle recomposition de la cartographie géopolitique et géoéconomique fait que le continent africain continuera à être pour les prochaines décennies, le théâtre d'enjeux liés, essentiellement, au contrôle des ressources stratégiques et de jeux d'influence des acteurs de puissance extra régionaux avec une multiplication de crises et de conflits de faible et moyenne intensités.