En effet, ce dernier, originaire de Larbaâ Nath Irathen, n'a pas cessé d'explorer les différents textes d'auteurs de poésies kabyles anciennes de divers horizons et ce, depuis le temps où il animait une émission sur ce sujet à la Radio nationale chaine II. Un créneau très important pour la culture amazighe puisqu'il permet de sauvegarder et de sauver de l'oubli des poèmes, produits dans l'oralité et n'ayant jamais fait l'objet de transcription auparavant. C'est dans ce sillage que Larab a produit au début de l'année en cours, deux autres livres, relevant du même domaine, et venant s'ajouter aux anciens ouvrages qu'il a écrit sur ce sujet. Le premier ouvrage est le recueil de poésie d'Ahmed Lemseyeh, portant pour titre «Recueil de poésie d'Ahmed Lemseyeh, Poèéte des At Sedka», un poète de At Wehmed a Tizi Mellal dans la confédération des At Sedka, ouvrage de 284 pages, bilingue tamazight -français. Ahmed Lemseyeh, de son vrai nom Ahmed Guezlane, poète troubadour de la région montagneuse de Kweriet, plus exactement du village de Tizi Mellal, dans la tribu des At Wahmed. Le mérite de Larab réside ainsi dans le fait qu'il soit le premier auteur à avoir consacré un livre à ce poète. L'ouvrage dédié au barde de la haute montagne est constitué de 200 poèmes. Poète troubadour Ces textes ont été attribués à Lemseyeh par la mémoire populaire et l'entourage familial, car dans l'oralité, il y a toujours une marge d'erreur, avertit Larab. «Cette poésie a été déclamée durant les cinquante années de pérégrinations, qu'a duré son long parcours d'une ville à une autres, de son village natal qu'il a quitté en 1910, pour le village de Selloum et Bouira, jusqu' en 1918, ou il traverse la Méditerranée, pour un long bail, rappelle Larab Mohand Ouramdane. Et de préciser qu'à son retour en Algérie en 1939, à l'âge de 52 ans, il s'installe dans le village de Maginot, actuelle Chellalat Ladaoura, puis Aïn Oussera. Le poète souligne que Lemseyeh fut très déçu par les exactions de la France coloniale vis-à-vis des Algériens, particulièrement la période de 1939-1945. Ahmed Lemseyeh, s'éteint le 25 décembre 1951, dans son village de At Wahmed a Tizi Mellal. Mohand Ouramdane Larab, par cette nouvelle publication, a élargi la liste des poètes kabyle dont il a déterré l'oeuvre, pour la porter à la connaissance du large public après l'avoir fait avec Si Mohand Ou Mhand, Cheikh Mohand Ou Lhocine, El Hocine n Adeni, El Hadj Arezki Ouhaouache, Si Youcef Oulefki. D'ailleurs le second ouvrage du même auteur paru aussi cette année, est réservé à Si Youcef Oulefki, sous le titre «Recueil de poésie de Si Youcef Oulefki, compagnon de Si Mohand Ou Mhand». Il s'agit d'un poète méconnu du village Taourirt Amrane (Ain El Hammam). Tout au long des 190 pages composant ce livre, on retrouve l'oeuvre de ce poète en tamazight et traduite en français. Larab souligne que de par son nom, Si Youcef Oulefki, est rattaché à la commune de Ain El Hammam, où il est expressément écrit Lefki Youcef Ben Ahmed Ben Amar, né aux environs de 1862, puisqu' en 1891 il avait environ 29 ans. Si Youcef est élevé dans la famille des At Lefqi du village de Taourirt Amrane. «Comme les jeunes de sa génération, Si Youcef a vécu une vie de villageois kabyle, avec à l'époque le drame de l'occupation coloniale française en cette région rebelle qui restait le dernier bastion de la résistance. Si Youcef a vécu la pauvreté de tous les habitants kabyles de l'époque. Un homme au caractère très sociable Depuis la naissance de ses enfants, Si Youcef se décupla en pérégrinations à travers les villages, des régions où il fut toujours accueilli chaleureusement», précise Larab qui rappelle avoir recueilli bon nombre de ses informations de la bouche de Mahieddine Oussedik, appelé Mahieddine Amenguellat (1914-2001). Si Youcef était un poète réputé dans la région de APun El Hammam, à Taourirt Amrane. Son activité était la vente de tapis en alpha tressé au niveau des souks. C'était du reste pour lui l'occasion de rencontrer le grand poète Si Mohand Ou Mhend, à Ain El Hammam, chez Si Hamou Idir Sidi Saïd qui y détenait un café, comme rapporté par son fils Si El Ghezali Sidi Saïd. I l y avait une grande complicité entre Si Youcef et Si Mohand. Ces derniers étaient d'incroyables marcheurs à grandes enjambées aussi bien de Tizi Ouzou vers Aïn El Hammam que des Ouadhias vers Michelet, souligne encore Larab. «Quand Mouloud Feraoun préparait son recueil de poésie de Si Mohand Ou Mhend, il rencontra à Michelet Si Youcef, c'était dans le courant des années 1950, ce fut pour eux l'occasion de parler de Si Mohand Ou Mhend qui était son compagnon. De sorte que le recueil de Feraoun paru en France en 1960 s'était enrichi de ces poèmes», témoigne Larab en précisant que l'autre témoin de Si Youcef Oulefqi était le poète et chanteur religieux Mokrane Agawa. Ce dernier dont le véritable nom est Ouali Mohand Amokrane, a aussi apporté son témoignage. Il en est de même du célèbre écrivain Tahar Oussedik et de son frère Mahieddine qui ont connu Si Youcef de près. Selon Tahar Oussedik, Si Youcef était un homme de caractère très sociable, qui prenait la vie du bon côté, participant activement aux festivités. C'était le cas, notamment de celles du tambour où il se faisait toujours inviter à jouer. Un autre témoin: Cheikh Ouarab Hocine (1920-2000), du village de Tiguemounine, Ouacifs, avait une émission à la radio-Alger dans les années 1950. Il avait fait part de son témoignage dans un enregistrement sur la poésie de Si Youcef Oulefqi, qu'il détient de bonne source. «Dans le courant de 1994, Si El Hocine Ouarab, qui était membre d'une commission d'Identification des OEuvres auprès de l'Onda, avec Lahbib Hachellaf, Abdelmadjid Balli, Guerroudj Rabah, Cherif Kheddam, Chabati Abdelouahab Salim, a promis de mettre à notre disposition une bande sonore, des poèmes de Si Youcef Oulefqi, dans le but de lui rendre hommage. Ce voeu hélas ne fut pas exaucé en raison des événements qui ont secoué le pays. De sorte que Si El Hocine mourut avant qu'on ait eu le temps de nous rencontrer», regrette Larab. Ce dernier avait une émission littéraire à la radio chaine II entre 1995 et 2002. C'est cette émission qui lui a permis de constituer un vivier pour ses recherches dans le domaine de la poésie kabyle ancienne et de dépoussiérer ainsi la poésie de grands poètes comme Si Mohand, Cheikh Mohand, Lhocine n Adeni, Lhadj Arezki Ouhaouach, Ahmed Lemsiyyah, Lbachir Amellah, Lhadj Rabah de Taourirt Moussa, Lhadj Mohand Ouachour Iazzouzen, Maammar n Saidi, Kaci At Ouyahia,Mohand Said Oubelhiret,Mohand Ou Moussa Awagenoun et d'autres encore.