Ira, ira pas? La menace d'une intervention militaire des pays ouest-africains au Niger a plongé la région dans une inquiétude soudaine, que justifie le bras de fer de plus en plus rigide entre les chefs militaires auteurs du coup d'Etat et la Cédéao. Dans un communiqué publié hier, le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger a averti contre les «graves conséquences» que fait planer sur l'ensemble de la région sahélo-maghrébine une intervention armée qui «se précise». L'Algérie, indique le document officiel, «regrette profondément que le recours à la violence ait pris le pas sur la voie d'une solution politique négociée». Cependant, la mission de la dernière chance effectuée à Niamey par une délégation ouest-africaine a obtenu quelque gage avec, notamment, la rencontre pour la première fois entre la délégation conduite par le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l'organisation régionale, Abdel-Fatau Musah, et le principal chef des dirigeants militaires nigériens, le général Abderrahmane Tiani. Les précédentes missions de la Cédéao avaient, rappelons-le, échoué à obtenir cette rencontre tout comme celle du président déchu Mohamed Bazoum. Il s'agit là d'un réel progrès dans la mesure où l'objectif initial était de transmettre «un message de fermeté» aux militaires nigériens. C'est exactement le voeu émis par l'Algérie qui reste «animée par la forte conviction» selon laquelle «une solution politique négociée demeure encore possible» et qui, selon le communiqué du MAE, exhorte à emprunter «toutes les voies qui peuvent y conduire». Autre signe remarquable, l'entretien entre le Premier ministre nommé par les militaires nigériens, Ali Mahaman Lamine Zeine, et le chef d'une délégation de l'ONU, Leonardo Santos Simao, envoyé spécial du SG des Nations unies au Sahel et en Afrique de l'Ouest. «Il faut d'abord écouter les autorités, leur point de vue pour étudier ensemble un chemin afin que le pays rentre aussi rapidement que possible dans la normalité et la légalité constitutionnelle. Nous sommes convaincus que c'est toujours possible par le dialogue», a ainsi constaté le représentant personnel d'Antonio Guterres, au sortir de cette rencontre. Le fait que ces manoeuvres diplomatiques interviennent au même moment où la Cédéao dit être prête à ordonner l'assaut, à l'issue d'une réunion de deux jours des chefs d'état-major ouest-africains à Accra, n'est pas sans incidence, sachant que la menace d'une intervention armée est brandie par l'organisation régionale depuis le 10 août mais que des divergences profondes sont apparues entre ses pays membres, certains comme le Mali et le Burkina n'hésitant pas à apporter leur soutien résolu aux nouvelles autorités du Niger. Des intérêts puissants sont en jeu qui poussent à la roue mais l'évidence d'une grave déstabilisation de l'ensemble de la région sahélo-maghrébine, en cas d'intervention armée, commande de privilégier, envers et contre tout, «la sagesse et la raison».