Les militaires putschistes qui ont mis «fin au régime en place» au Gabon mercredi, destituant le président sortant Ali Bongo Ondimba et provoquant des manifestations de liesse dans le pays, ont placé à leur tête le chef de la Garde républicaine, le général Brice Oligui Nguema. Jusqu'à ce coup d'Etat, condamné par l'Union africaine et la France, ce pays d'Afrique centrale riche en pétrole était dirigé depuis plus de 55 ans par la famille Bongo. L'opposition dénonce régulièrement la «dynastie Bongo» dans un pays où la corruption est endémique. Au cours d'une journée folle, débutée avec la proclamation nocturne de la victoire de M. Bongo à la présidentielle de samedi et ponctuée par les communiqués des putschistes à la télévision, ces derniers ont annoncé la mise en place d'un régime de «transition», dont ils n'ont pas précisé la durée. Mercredi soir, le nouvel homme fort du pays, le général Brice Oligui Nguema, chef de la Garde républicaine - l'unité d'élite de l'armée du Gabon- a été officiellement nommé «président de la transition», après avoir été porté en triomphe par des centaines de militaires. Les putschistes, qui avaient rétabli l'accès à Internet dans la matinée, ont ordonné le rétablissement de la diffusion de RFI, France 24 et TV5 Monde, suspendus par le gouvernement de M. Bongo samedi soir. Ils ont toutefois maintenu le couvre-feu en vigueur depuis samedi, désormais effectif de 18H00 à 06H00, au nom de «la nécessité de maintenir le calme et la sérénité». De même, les frontières du pays restent fermées. Le président renversé Ali Bongo, 64 ans, est apparu manifestement décontenancé dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, où il appelle en anglais tous ses «amis dans le monde» à «faire du bruit». Mais à Libreville ou Port-Gentil, la capitale économique, ce sont des foules joyeuses qui ont célébré «la libération du Gabon». Ali Bongo avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, pilier de la «Françafrique», qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans. Il a été placé en «résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins», selon les putschistes. L'un de ses fils, Noureddin Bongo Valentin, a été arrêté pour «haute trahison» ainsi que six autres jeunes hauts responsables de la Présidence, parmi lesquels le directeur de cabinet de M. Bongo ainsi que les numéros un et deux du tout-puissant Parti démocratique gabonais (PDG). L'opposition et la société civile accusaient régulièrement les membres de cette «jeune garde» d'être devenus les véritables dirigeants du pays. Les réactions internationales n'ont pas tardé: l'ONU et l'Union africaine ont condamné le putsch et appelé les militaires à garantir l'intégrité physique de M. Bongo et ses proches. L'UA a en outre suspendu le Gabon de ses institutions. La Chine a appelé à «garantir la sécurité d'Ali Bongo», la Russie a fait part de sa «profonde préoccupation» et Washington a exhorté l'armée gabonaise à «préserver le régime civil». La France, ex-puissance coloniale, a «condamné le coup d'Etat militaire», tout comme l'Allemagne et l'UE qui ont évoqué «des critiques légitimes sur la transparence» des élections. Mercredi, juste après la proclamation de la victoire de M. Bongo à la présidentielle avec 64,27% des voix contre 30,77% pour son principal rival Albert Ondo Ossa, qui dénonçait des fraudes massives, un groupe d'une douzaine de militaires était apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24, au sein même de la présidence. Réunis au sein du «Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), ils ont «décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place», a annoncé un colonel. Ali Bongo «est mis à la retraite, il jouit de tous ses droits. C'est un Gabonais normal, comme tout le monde», a affirmé le général Oligui.»Il n'avait pas le droit de faire un troisième mandat, la Constitution a été bafouée, le mode d'élection lui-même n'était pas bon. Donc l'armée a décidé de tourner la page, de prendre ses responsabilités», a-t-il fait valoir.