Et c'est parti! Le cluster Unic Algeria (European Union National Institutes for Culture) organise cette semaine la 3ème édition de Jil Cilima - Rencontres de critique cinématographique du 18 au 20 septembre. La première étape a été étrenné courant la journée du 18 septembre à l'Institut français d'Alger où le Goethe Insitute a organisé un atelier d'analyse filmique autour de «M. le maudit» de Fritz Lang, auquel ont assisté des cinéphiles et responsables de ciné-clubs. Le soir a été l'occasion au FID de Marseille, festival international de cinéma, de présenter pour la première fois en Algérie cinq courts métrages issus de sa programmation 2023. Une séance de cinéma qui s'est déroulée en présence de Nicolas FEODOROFF, membre du comité de sélection FIDMarseille et responsable du FIDCAmpus. Notons que le programme se poursuivra ce 20 septembre, cette fois à l'Institut Italien d'Alger où l'expert italien Fabrizio Polpettini viendra animer un atelier de critique cinématographique qui sera présent également au programme des Rencontres cinématographiques de Béjaïa qui se tiendront du 23 au 28 septembre. Pour rappel, Le FIDMarseille, festival international de cinéma, présente tous les ans, au début de l'été, un grand nombre de films en première mondiale et de premiers films de réalisateurs indépendants dont la caractéristique première est la forme utilisée qui reste bien novatrice et singulière. Ce fut le cas pour les cinq «films courts» projetés durant la soirée de lundi dernier. Un festival qui donne la chance aux jeunes mais aussi à tout amateur de cinéma de toutes tranches d'âges confondues de se lancer en l'accompagnant aussi via l'éducation à l'image. Audace dans le sujet et la forme En fait, le Fid Marseille s'intéresse aux scolaires aussi, mais pas que, puisque les films sélectionnés partent après dans les prisons où ils sont projetéss, notamment en présence de leur réalisateur. «Jeunesse et liberté» est un peu le maître- mot en tout cas de ces films qui ont été projetés, dont certains se veulent vraiment engagés et abordent le sujet de la transmission. C'est le cas de «DAW» de Samir Ramdani (France, 2023, 28 min). Un film qui s'inscrit dans le genre fantastique, mais qui finit par transmettre un message politique des plus inattendus et ce, de façon bien poétique où l'art tient une grande place dans le schéma esthétique du film. L'histoire a pour cadre une banlieue parisienne, des adolescents français, mais parlant arabe disparaissent mystérieusement. Ils semblent avoir été happés par une étrange lumière verte qui vient la nuit et fait faire des rêves aux gens... Entre enquête policière et science-fiction annoncée, l'on finit par deviner, après avoir fait appel à la sorcellerie, que cette lumière qui vient du passé, n'est autre que celle des âmes tourmentées des hommes, jetés des ponts, un certains 17 octobre 1961. Le film interroge ainsi cette question mémorielle et vient rappeler à cette jeunesse ce legs historique, pour ne pas oublier la souffrance de leurs aïeux et comprendre un peu le rapport complexe qu'entretiennent leurs parents avec la France...Un film étrange avec des notes poétiques qui donnent aussi à voir des âmes dansantes (danses contemporaines) avant de s'éclipser car apaisées...Un film à thème, traité de manière particulière. C'est aussi le cas de «Capital» de Basma Al-Sharif (Egypte, Italie, Allemagne, 2023, 17 min). un film qui dénonce de manière satirique l'aspect malsain des publicités qui vendent du rêve aux gens en leur proposant des maisons et un environnement social des plus idéalisés... Entre un ventriloque, une blague au ton politique, Nino Ferrer, des publicités en veux-tu, en voilà sur les nouveaux quartiers, se dresse le portrait satirique d'une époque aux relents fascistes. L'apothéose est amorcée par cette mise en scène bien grotesque de cette femme qui, accrochée à un téléphone blanc (mimant le téléphone rose) prend du plaisir à écouter ces belles propositions alléchantes de ces nouveaux quartiers de riches, jusqu'à... atteindre l'extase! Dans un autre registre tout à fait engagé et dénonciateur est «Natura» de Paul Heintz (France, 2023, 29 min). Femmes, fantasmes et transgression Une histoire de trois femmes libres avec cette gigantesque fontaine en arrière-fond, combinée à cette eau qui traverse le long de ce film dans une Arabie saoudite chaotique, mais réaliste, voire vraie, loin des clichés, bien que les effets spéciaux sont là aussi... Un film qui décortique ce paradoxe avec intelligence et ironie. Une sensibilité à fleur de peau, emmenée par la joute verbale de trois amies, à bord d'un véhicule, qui vont sillonner un soir d'été, Jeddah. Un road movie où les langues se délient tout en jouant! «Ne plus dire le mot de ce qui peut être interdit et le remplacer par «Nafoura»...C'est ainsi que par ce jeu de détournement l'on arrive à développer une réflexion sur le pouvoir et les interdits en Arabie saoudite, principalement en ce qui entoure la femme... Un discours qui est distillé habilement alors qu'côté la ville semble être noyée sous une tonne d'eau... suintant sans doute la frustration et l'hypocrisie sociale. Un film métaphorique liant l'eau, la source de vie, avec le désir et sensualité de ces femme toutes vêtues de abayas noires, qui circulent en ville presque comme des fantômes identiques. Si ce n'est ces trois femmes rebelles qui viennent transcender la donne... Ces dernières sont toutefois cachées par un halo de lumière sur le visage, sans doute par sécurité. Un film ingénieux qui vient casser des tabous mais d'une très belle façon, mêlant onirisme à la poétique de l'image que viennent accentuer ces lumières, dans la pénombre de Jeddah, by night! «Nos Îles» de Aliha Thalien (France, 2023, 23 min), donnera à voir pour sa part, une Martinique bien ensoleillée, dans une imagerie de carte postale, où tout est quasiment filmé au plan fixe, comme si le temps ne veut pas trop s'écouler. Entre sérénité factuelle et attente mélancolique d'un changement hypothétique, des amis se retrouvent pour parler de leur rapport à l'île, à la métropole. Leurs conversations esquissent le portrait d'une jeunesse d'outre-mer, qui évoque leur désir d'indépendance et leurs doutes... Enfin, le cinquième film projeté est «O fumo do Fogo» ou «Smoke of the fire»de Daryna Mamaisur. (Portugal, Ukraine, Belgique, Hongrie, 2023, 22 min) dans ce court documentaire bien intimiste, une cinéaste ukrainienne réfugiée au Portugal se filme en train d'apprendre le portugais. Patiemment, entre les langues, les images éparses d'ici et celles du pays en guerre, s'entrelace une voix qui cherche à toucher des mots de l'état d'exil. La cinéaste se demande aussi si elle a le droit de se sentir mal alors qu'elle est loin de son pays en guerre et évoque aussi la notion de détachement vis-à-vis de sa maison quand on a passé sa vie à déménager et partir. des mots qu'elle emploie, raisonne comme une leçon de vie qu'elle entretient au fur et à mesure de son apprentissage de cette nouvelle langue qui l'a ramenee vers son chez soi, ses racines, ses parents, sa mère, les fenêtres de sa maison collées pour éviter l'éclat après les explosions. Le film manque d'images et on le sent. Les plans d'archives personnelles sont grossis, tout comme ceux de ces livres pour enfant, un peu brouillons, omme ses tentatives d'apprendre vite cette langue et s'intégrer dans ce nouveau pays, qui n'est pas le sien mais dont elle est obligée d y vivre pour résister et combattre la mort. Celle de la mémoire, mais de l' imaginaire aussi. En somme, des films parfois fragiles mais qui dénotent d'une grande émotion, très bien rendue à l'image, cinématographiquement votre!