«Essardiiiine, essardiiiine ! » qui d'entre nous trentenaires, quadragénaires, quinquagénaires… n'a pas entendu, ou ne se souvient pas, de cet appel à la « criée » qu'entonnaient, l'été venu, sous nos fenêtres les vendeurs de sardines qui répétaient « matinée, matinée ! » pour céder la capture du matin de bonne heure de ce « poisson du pauvre » adulé par les « miséreux, indigents et autres déshérités » et même par d'autres Algériens de modeste condition ou à l'aise financièrement parlant ? Oui ! D'aucuns de nous, pauvres citadins que nous étions et qui le sommes restés, ne se souvient-il pas de ces « bruits » matinaux qui, parfois,. selon, nous réveillaient dès l'appel à la prière du matin, le marchands de poisson, le vendeur de « bablabit », ces pois chiches grillés croustillants enrobés de sucre coloré, ou bien sûr, l'inoubliable vendeur de jasmin qui arborait si fièrement les ruelles de la vielle ville un couffin à la main regorgeant de fleurs de jasmin parfois mêlés à des fleurs d'orangers ou de fleurs de « galant de nuit » (Mesk Ellil) et de « el fell », une variété de jasmin très prisée, savamment enfilées sur un fil pour en faire un collier « bio » à cent pour cent orné au bout d'un coquelicot bien rouge fraîchement cueilli. Il vendait ses fleurs à la criée aussi « yasmine, yasmine…! » criat-il. Il était, je me rappelle, même autorisé à pénétrer jusqu'au patio des emblématiques et sacro-saintes « douerates » de la Casbah. Toutes les mamans, jeunes femmes et moins jeunes, le connaissaient. Lui, qui infatigablement parcourait les ruelles de la Casbah dès les premières lumières de la journée. Il portait une chéchia « stamboul » qui maintenait une chevelure argentée, soyeuse et souple pour laisser entrevoir un visage doux et malicieux comme un pinson cajoleur en pleine nature. Oui, je me souviens heureux que j'étais de dégringoler les marches de notre douera pour me précipiter vers lui, lui dire bonjour d'abord, et commander un, deux colliers de ces belles fleurs toutes blanchâtres et odorantes à souhait d'un parfum enivrant jusqu'à nos tripes, ceci dit sans exagérer nullement. Souvent j'en achetais plus pour les voisins aussi qui ne manquaient pas de me « happer » au passage pour en commander pour eux. Je remontais chez-moi avec, pendantes eu bout de bras, des guirlandes de ce cadeau matinal qui allait égayer les modestes foyers qui logeaient dans notre douera. Notre chère et bien aimée voisine Tassadit, nous avait raconté une fois que chez elle, un village (tadert), haut perché en montagne de Kabylie, d'où elle venait, des bruits comparables les réveillaient le matin venu. Mais là-bas chez-nous, disait-elle, c'était le chant majestueux du coq de la basse-cour qui les faisait sortir hors du sommeil et que parfois, souvent même, le meuglement d'une vache ou d'un veau l'accompagnait. Les suivaient alors, les jappements du chien, ou les cris des oiseaux qui approchaient des habitations pour picorer les restes de grains ou autre nourriture sans interrompre leur ramage pour les autres. Vint plus tard le « réveil-matin », l'horloge, la sirène et que sais-je encore…