Le démantèlement des réseaux de trafic de drogue au Maroc concerne aussi l'Algérie. Les langues se délient au Maroc. Il n'y a pas que l'ex-commandant des FAR, Mahjoub Tobji, auteur du brulot Les officiers de Sa Majesté qui brise l'omerta pour déshabiller un régime dominé par les militaires et régi par des hommes, serviteurs du roi, plus portés sur les vices du pouvoir que sur les vertus de soigner le Royaume. L'ex-commandant des FAR qui a brisé la loi du silence est sur les traces de l'ex-puissant ministre de l'Intérieur, Driss Basri, qui a été le premier à montrer la voie à suivre. Sur la lancée, un ponte du trafic de la drogue, en l'occurrence Mohamed Kharraz alias Chérif Benlouidane, le Pablo Escobar marocain, sinon plus, décide de balancer ses soutiens au risque de faire trembler le Royaume. Il est tombé dans les filets du roi et dans sa chute il déroule tout un château de cartes majeures. Le jeu devient dangereux. Le Maroc est considéré, faut-il le rappeler, comme le premier producteur et exportateur de cannabis avec un taux qui avoisine les quarante pour cent de la production mondiale. On se rend alors compte de la menace qui pèse sur l'Algérie dans le domaine de la prolifération de la drogue. Ce qui se passe actuellement au Maroc intéresse de ce fait l'Algérie qui subit de plein fouet les ravages de ce commerce illicite et florissant. On savait bien que ce trafic était régi par les hautes sphères dirigeantes du Royaume, nous en avons aujourd'hui la preuve. C'est ce qui explique, en grande partie, la fulgurante expansion du phénomène de consommation de hachisch dans notre pays. Ceci étant dit, le déballage du linge sale au Maroc concerne, en divers aspects, les réseaux qui sévissent en Algérie. Le réseau de trafic de drogue démantelé est une véritable toile d'araignée qui implique d'importantes personnalités militaires et politiques marocaines qui ont sûrement des relais à l'échelle régionale et internationale. La fermeture des frontières décidée par les autorités algériennes n'a pas freiné l'expansion du phénomène. L'Algérie étant une plaque tournante du marché marocain, qui après en avoir fait une voie de transition, s'est évertué, avec la complicité de plusieurs acteurs locaux, de la transformer en place forte de consommation. Pays jeune, l'Algérie intéresse les barons de la drogue qui trouvent des difficultés à acheminer la «marchandise» de l'autre coté de la rive méditerranéenne. La chute du dealer de la drogue, numéro un du Royaume, a entraîné la tombée de têtes intouchables. Et pas des moindres. Abdelaziz Izou, le puissant directeur de la sécurité des palais royaux, ancien chef de la police judiciaire et de la préfecture de police de Tanger, est l'un des personnages clés du réseau. Une longue liste d'officiers de la gendarmerie, de la police, de l'armée et des forces auxiliaires est établie. On citera entre autres Akka Ahabbar, lieutenant-colonel de la Gendarmerie royale, commandant de la compagnie maritime de Tanger, Abdelmoula Tétouaniqui est capitaine des forces auxiliaires, responsable des forces de surveillance, Hachimi Farid, commissaire à la Dgst à Tanger et bien d'autres hauts gradés des différents corps de sécurité. Les mis en cause dans ce dossier ont la particularité d'avoir exercé des fonctions dans la ville de Tanger. Ce qui sous-entend qu'il y a probablement d'autres réseaux similaires dans les autres villes du Maroc. Ces événements peuvent avoir des incidences directes sur la lutte contre le trafic de la drogue en Algérie, si bien sûr, des informations sont échangées entre les services de sécurité des deux pays. La chute du baron de la drogue dans notre pays, le fameux Ahmed Zendjabil, cet été, est un élément qui peut faire avancer les enquêtes en cours sur les réseaux et leurs ramifications à l'échelle locale et internationale. Une coordination dans la lutte contre ce fléau permettra le démantèlement rapide de la chaîne qui étend ses tentacules du Maghreb jusqu'en Europe. Le dealer algérien, originaire de Chlef, a, lui aussi, fait ses confessions. Ce qui a déjà permis de neutraliser un important réseau de trafic de drogue activant à l'ouest du pays. Le même scénario, en miniature cette fois, s'est déroulé dans les arcanes juridico-policières nationales avec l'arrestation de plusieurs éléments des services de sécurité et des Douanes. La guerre contre le trafic de drogue et sa prolifération dans les différentes couches sociales, dont les jeunes, a suscité des inquiétudes chez le premier magistrat du pays, Abdelaziz Bouteflika, qui a dénoncé ce phénomène et appelé à son éradication tout en désignant du doigt la source du mal, à savoir les frontières ouest de l ‘Algérie. Les saisies de plus de cinq quintaux de cannabis traité opérées au cours de ce mois de septembre par les services de sécurité au hasard d'une fouille de voitures à Alger, Tlemcen et Adrar est une alerte inquiétante qui nous renseigne sur l'ascension fulgurante de ce fléau qui ronge notre jeunesse. Le cas de ce dealer venu de Maghnia écouler sa «marchandise» à Alger, évaluée à plus de soixante-dix kilos de hachisch, en ce début de Ramadhan, période qui enregistre un pic de consommation, est édifiant. On vend de la drogue dans les quartiers populaires comme le fait le marchand ambulant de légumes et de fruits. Et ce n'est que la face apparente de l'iceberg. Le commun des Algériens connaît les circuits de ce trafic qui s'est installé confortablement dans notre pays, des années durant, avec sans aucun doute la complicité de certains hauts fonctionnaires de l'Etat, sans qui ce commerce de la mort et de la déchéance humaine n'aurait pas connu une telle ascension. Le coup de balai donné dans le palais royal ne va certainement pas tarder à suivre les traces du hachisch qui transperce nos frontières officiellement hermétiques. Dire que nos amis marocains nous fourguent cette saleté de drogue en contrepartie du carburant et d'autres produits de consommation au vu et au su de tous. Le Maroc est en pleine mutation. L'année 2006 aura été une date importante pour le Royaume où le linge sale se lave désormais en public. Des dossiers noirs, longtemps étouffés, remontent à la surface et risquent de déborder bien au-delà des limites du Royaume. La grande muette s'est mise à parler. L'un de ses plus fidèles serviteurs, le commandant Mahdjoub Tobji, est soudainement devenu prolixe. Son livre, qu'il vient d'éditer en France, Les officiers de Sa Majesté, est un brûlot qui marquera profondément la vie politique du Royaume présentement et dans l'avenir. Le silence longtemps entretenu sous le règne du défunt roi Hassan II jusqu'à devenir modèle de gestion, est une vertu élevée au rang des choses sacrées du Royaume chérifien qui se brise. Le règne de la loi du silence est révolu. C'est donc ce postulat du régime royal qui vole en éclats. Après avoir été un spectateur assidu et intéressé de la tragédie algérienne, confondue par le défunt roi Hassan II avec un laboratoire où les expériences les plus morbides pouvaient se concrétiser, voilà que le vent commence à souffler dans le sens inversement souhaité. Comme à un changement de casting, l'ex acteur devient spectateur et vice-versa. Le voisin marocain se dévoile par la voix et gestes de ses plus fidèles serviteurs.