Les Affaires étrangères considèrent que les propos du pape sont gravissimes. La surprenante sortie médiatico-religieuse du pape Benoît XVI lors de sa visite en Bavière, sa terre natale, lors de laquelle il a offensé l'Islam et l'ensemble des croyants musulmans, a ravivé la flamme de la contestation dans le monde musulman. En Algérie, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a convoqué le nonce apostolique à Alger pour demander des éclaircissements sur «ces propos si incroyablement méprisants pour la communauté musulmane dans son ensemble.» L´Algérie considère qu´en tout état de cause, il s´agit là d´«un grave développement qui s´inscrit à contre-courant de tous les efforts que des bonnes volontés de toute foi et de toute culture n´ont cessé de déployer pour promouvoir la compréhension et la considération mutuelles entre adeptes de différentes religions.» Ce développement malheureux s´ajoute aux excès verbaux et aux égarements et malentendus que les extrémistes de tout bord exploitent pour tenir en échec les promesses d´un dialogue et d´une alliance des civilisations dont la communauté internationale, qui souffre de tant de déchirements, d´incertitudes et de déséquilibres, a le plus grand besoin. Ainsi, à peine la plaie des caricatures dégradantes à l'égard du Prophète (Qsssl), refermée et les ardeurs de la communauté musulmane tempérées, voilà que l'autorité morale et politique de l'église catholique jette de l'huile sur le brasier pas encore éteint. Ce qui met encore une fois le monde musulman en ébullition. Ces attaques cycliques cachent vraisemblablement une volonté manifeste de l'Occident de remettre sur selle la guerre des religions à travers le choc des civilisations. Le discours lénifiant portant sur un soi-disant dialogue des religions n'est en fait qu'une trouvaille des politiques pour faire diversion dans une guerre non déclarée à l'Islam. Il faut bien le dire, depuis la chute du bloc de l'Est et l'effacement de son idéologie communiste, le monde occidental s'est occupé à se créer un autre antagonisme comme si la rivalité est l'essence même de l'existence du monde chrétien. En fait Benoît XVI exprime tout bonnement ce que le monde d'en face pense de nous en tant que musulmans tiraillés que nous sommes par le harcèlement d'un G.W.Bush parti en pleine croisade contre ce monde hostile qui menace l'Amérique. Ne faisant aucune distinction entre l'Islam et le terrorisme. On veut diaboliser l'Islam et les musulmans. Alors que ces derniers, en majorité, n'aspirent qu'à vivre en paix comme le recommande l'Islam qui est une religion de paix, en profitant de leurs richesses naturelles. Faire appel à un contexte historique du XIVe siècle pour donner une image déformée de l'Islam, en s'appuyant sur un geste isolé dans l'histoire de l'humanité est un mépris insoutenable que les musulmans ne peuvent passer sous silence. La vague d'indignation enregistrée dans le monde musulman est une réaction naturelle à une agression gratuite qui vient, de surcroît, de la bouche de celui censé être le porte-parole de la voix de la paix entre les êtres humains. De la part d'un homme de religion investi de la lourde mission de représenter des millions de fidèles, cela relève tout bonnement du manque de maturité et de compétence en la matière. Reprendre un discours politique islamophobe sous un habillage religieux est un exercice dangereux que le chef du Vatican a décidé de prendre en charge avec une légèreté insoupçonnée jusque-là. Un tel statut confère à l'auteur de la diatribe une aura qui lui fera assumer le moindre geste et le traître mot sorti de sa bouche. Les musulmans ont toujours témoigné beaucoup de respect pour les religions du Livre. Mais en contrepartie, ils font l'objet de brimades jusqu'à devenir les souffre-douleurs d'un monde en désarroi. L'histoire a enseigné à tous, les errements de l'église au Moyen Age. N'est-elle pas l'autorité morale responsable du début de l'esclavage en Afrique? Le défunt pape Jean-Paul II est allé jusqu'à «la porte du non retour» dans la maison de l'esclave de Dakar (Sénégal) pour demander le pardon de l'Eglise pour sa responsabilité dans la traite négrière ordonnée par le roi du Portugal. L'Eglise a demandé aussi le pardon des Juifs suite à l'Holocauste commis par les nazis. Benoît XVI ne se donne même pas la peine de faire un tel geste à l'égard des milliards de musulmans blessés par un discours de haine sorti d'une chapelle de paix. Par ce geste, le pape a approfondi le fossé qui sépare les deux mondes appelés à coexister dans la fraternité des fils de Dieu et dévoile un certain penchant de sa part pour l'idéologie d'extrême droite qui monte en puissance en Occident. On se demande alors pourquoi ce pape s'est tu durant trente trois jours de massacre au Liban perpétré par l'Etat sioniste d'Israël. Comment a-t-il pu se retenir devant des images d'horreur et de désolation, de meurtre d'enfants et de femmes sans aucune raison. La religion juive s'est prémunie de la légitimité des lois antisémites qui la mettent à l'abri des attaques d'où qu'elles viennent. Les images de soldats israéliens psalmodiant les versets de la Thorah en lançant des bombes meurtrières sur les civils libanais n'ont pas fait réagir Benoît XVI. Silence oblige. D'autant plus que sa patrie natale est directement liée au massacre de millions de personnes pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour ces raisons au moins, le pape devait se retenir de verser dans ce genre de discours inutile. Pour clore le débat, le pape Benoît est appelé à présenter ses excuses aux musulmans. C'est l'appel sage qu'a lancé le ministre algérien des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah à son adresse pour se laver de son péché. L'archevêque d'Alger a bien mesuré la portée d'une telle offense à l'Islam en la qualifiant «d'insulte grave à la foi musulmane et à son Prophète (Qlsssl)». Le président du HCI, M.Bouamrane Chikh, a déclaré, quant à lui, que le discours de Benoît XVI ne favorise pas le dialogue, il nourrit, au contraire, le climat d´islamophobie qui s´est amplifié en Occident, surtout depuis le 11 septembre 2001. Les regrets exprimés par le pape ne suffisent pas car ils ne sont pas en mesure d'apaiser les esprits des musulmans qui se méfient, de plus en plus, de cet Occident qu'il soit militaire, politique ou religieux. La distinction est devenue difficile à faire tellement le discours de la haine est omniprésent. «Qui sème le vent récolte la tempête» dit l'adage alors l'Occident doit cesser de se prendre pour une vierge effarouchée chaque fois qu'il reçoit la monnaie de change. La religieuse italienne tuée à Mogadiscio est un acte condamnable. C'est une victime du discours d'intolérance prôné par les politiques et relié par les religieux. Dommage.