Le numéro deux du Vatican parle de manipulation et annonce une initiative diplomatique de sensibilisation. Le pape Benoît XVI n'a pas présenté ses excuses à la Nation musulmane préférant jeter la pierre à ces derniers pour ne pas avoir compris le sens du contenu de sa déclaration faite en Bavière. Clair, net et précis. Youssef Al-Qaradaoui, l'influent religieux, réputé pour sa modération, a appelé les musulmans, au nom de «l'Union mondiale des oulémas musulmans» qu'il préside, sur la Chaîne Al-Jazeera, à faire du vendredi prochain, une «journée de colère pacifique» contre les propos controversés sur l'Islam du pape Benoît XVI qui, a-t-il dit, «ne s'est pas excusé». Il a également conseillé le souverain pontife de présenter «des excuses réelles consistant à retirer ses paroles», avertissant qu'«en l'absence d'excuses réelles, le dialogue interreligieux s'arrêtera». Pour alimenter la polémique et conforter Benoît XVI dans sa position, des religieux catholiques n'hésitent pas à sortir le débat de son contexte pour lui donner une connotation politique qui n'est, en fait, qu'une autre diversion qui peut approfondir le fossé qui commence à se creuser entre les communautés des deux religions. Abordant la question du djihad en islam, le grand mufti d'Arabie Saoudite et néanmoins président du Conseil des grands oulémas d'Arabie Saoudite, la plus haute autorité religieuse dans le Royaume, a, de son côté, défendu l'esprit du djihad, à l'origine «un droit légitimé par Dieu» et dont ont usé d'autres religions, en réponse aux propos controversés du pape Benoît XVI. «la propagation de l'islam, explique-t-il, est passée par plusieurs étapes, secrètes puis publiques, à La Mecque et Médine. Dieu a ensuite autorisé les fidèles à se défendre et à combattre ceux qui les combattaient, ce qui constitue un droit légitimé par Dieu.» Le cheïkh Abdelaziz Al-Cheikh a aussi déclaré que pour la propagation de l'Islam au moment de son apparition, «il avait été nécessaire d'enrayer tout ce qui entraverait la mise en oeuvre de ce devoir sacré». Le débat ne concerne pas seulement les pays arabes, comme tente de le montrer la propagande occidentale, mais touche l'ensemble des musulmans. Ceux de la Chine ont fait entendre leurs voix, hier, à travers l'Association des musulmans de Chine qui a dénoncé les propos du pape sur l'Islam et condamné les propos de Benoît XVI liant l'Islam à la violence, Autre réaction du continent asiatique est celle du ministre des Affaires étrangères de la Malaisie, M.Sayed Hamid Albar, qui s'exprimait à l'occasion du Sommet des pays non alignés de La Havane. Pour le chef de la diplomatie de la Malaisie, «les musulmans se sont sentis accablés et la déclaration du pape exprimant ses regrets sur la vague d'indignation n'est pas de nature à calmer la colère». L'Europe s'est exprimée diversement. Le président français, Jacques Chirac, a plaidé, hier, pour «éviter tout ce qui anime les tensions entre les peuples ou entre les religions». Appelant également à «éviter tout amalgame entre l'Islam, qui est une religion respectée et respectable naturellement, et l'islamisme radical qui est une action tout à fait différente et qui est une action de nature politique». Pour sa part, le numéro deux du Vatican, Tarcisio Bertone, dans une interview parue hier dans la presse italienne, a annoncé que les nonces (ambassadeurs du Vatican) ont été chargés de présenter et d'expliquer sa déclaration aux autorités politiques et religieuses des pays musulmans et de faire connaître le texte du Saint-Père pour valoriser les éléments ignorés jusqu'à présent. Tout en se déclarant confiant dans le résultat de cette démarche, il a noté que le Vatican a subi «une lourde manipulation du texte qui a été transformé en quelque chose d'autre par rapport aux intentions du Saint-Père». Tout comme il a manifesté son espoir de voir le dialogue avec l'Islam reprendre, conformément aux intentions du pape et de l'Eglise par le biais des représentants diplomatiques, des élites culturelles et du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Point de mea culpa. La polémique peut continuer. Et faute d'un dialogue interreligieux, on se contentera d'un dialogue de sourds.