Avec 120 pays membres, le mouvement des Non- Alignés qui est apparu en 1961, avec comme pères fondateurs des noms illustres comme Soekarno, Tito, Nehru, Nasser et bien d'autres, s'est imposé d'emblée comme le second groupe au monde, après l'ONU. Aujourd'hui, il compte 53 pays d'Afrique, 39 d'Asie, 26 d'Amérique latine et des Caraïbes ainsi que deux pays d'Europe. Il comprend également la Palestine, membre observateur de l'ONU dont l'Algérie porte l'exigence d'un statut de membre à part entière, 17 autres pays observateurs et 10 organisations observatrices. Le 19ème sommet qui s'est ouvert hier à Kampala, capitale de l'Ouganda et dont le nom signifie la colline aux Impalas, accueille durant cinq jours quelque 15 000 délégués, 28 chefs d'Etat, des dizaines de chefs de gouvernement et des centaines de diplomates pour un événement que les pays occidentaux s'efforcent avec un certain recul à passer sous silence. Il faut dire qu'à l'origine, le mouvement avait pour cheval de bataille et surtout pour fondements la décolonisation, la revendication d'un nouvel ordre économique mondial et une distanciation par rapport à la guerre froide. Mais en 60 ans, bien des choses ont changé et l'ONU a pris une dimension autrement plus conséquente, de sorte que le mouvement doit s'adapter aux nouvelles conjonctures. C'est pourquoi à Kampala, il va être surtout question de l'insécurité alimentaire, du changement climatique, du financement du développement et de la question de la dette, autant de défis qui affectent de nombreux pays membres du mouvement. Dans le contexte mondial très particulier où ce sommet se tient, le Premier ministre Nadir Larbaoui, représentant le président de la République Abdelmadjid Tebboune, mettra l'accent sur la question centrale du droit du peuple palestinien et du peuple sahraoui à leur souveraineté, et il appellera par-là même à une solidarité agissante du mouvement envers ces causes justes et au fait que le monde a, plus que jamais, besoin d'un réel multilatéralisme. Il faut se souvenir que le mouvement des Non-Alignés est né à la conférence de Belgrade (Yougoslavie), en 1961, dans l'esprit et le programme de la conférence de Bandoung (Indonésie), en 1966, avec le souci à l'époque de la distanciation par rapport à la logique d'affrontement entre l'Est et l'Ouest ainsi que du soutien actif à l'émancipation politique des pays du Sud et au processus de décolonisation dont l'Afrique avait alors grand besoin. Peut-on considérer que les choses ont vraiment changé, dès lors? Si, dans le continent africain, la dernière colonie en attente de recouvrement de son indépendance s'appelle le Sahara occidental, sous oppression marocaine, au Moyen-Orient le peuple palestinien est confronté depuis 1948 à une barbarie extrême et, actuellement, à un génocide affiché. Le 19ème sommet du mouvement des Non-Alignés que l'Ouganda accueille pour la seconde fois après celui de 2008 se donne une raison d'être, avec la montée des périls impérialo-sionistes qui secouent les régions où des régimes néo-nazis tentent un expansionnisme pour préserver la domination occidentale. C'est la preuve que les valeurs qui ont prévalu au moment de la naissance du mouvement n'ont, en vérité, jamais disparu et qu'elles sont, aujourd'hui plus encore qu'hier, dignes d'une vaste mobilisation aux côtés des peuples palestinien et sahraoui. Depuis le dernier sommet en date qui a eu lieu à Belgrade, en Serbie, en 2021, l'organisation compte 120 Etats de tous les continents et, même si elle n'a pas de structure politique, elle est en mesure de dicter ses attentes et ses exigences. Après plusieurs décennies de ce que certains ont appelé une agonie végétative, le mouvement n'est plus à la croisée des chemins mais bien en phase d'une visibilité active, et même décisive, sur la scène internationale. Si en avril 1974, le président Boumediene avait, avec panache, porté à l'ONU la revendication d'un nouvel ordre économique mondial, aujourd'hui les mots d'ordre sont autant cruciaux. C'est ce qu' a signifié, mercredi dernier, le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf: «Nous voulons que ce nouvel élan favorise l'avènement d'un ordre international équilibré et juste, qui garantisse la sécurité, la stabilité et la prospérité pour tous», pointant «notre engagement collectif à défendre les causes justes pour mettre fin à l'occupation, réaliser la décolonisation définitive et consacrer les droits des peuples opprimés». Une allusion claire à tous les territoires encore colonisés, à la Palestine, au Sahara occidental, mais aussi au désordre mondial (de Ghaza à l'Ukraine) provoqué par des guerres impérialo-sionistes qui visent à maintenir la domination occidentale sur le reste du monde.