Les dessous de table sont devenus monnaie courante. La corruption a ruiné la confiance des Algériens a, à maintes reprises, affirmé le chef de l'Etat. Il a fait, de la lutte contre ce fléau, son cheval de bataille pour la suite de ce deuxième mandat. Et pourtant, c'est plus facile à dire qu'à faire. Aussi n'a-t-il pas hésité à avouer, devant les magistrats, à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire: «Malgré les directives que j'ai données à maintes reprises au gouvernement pour arrêter une stratégie de lutte contre la corruption sous ses différentes formes, cela me désole de constater que l'instance, en question, n'a pas vu le jour». A la réunion des walis, au Palais des nations, en juin dernier, il avait déjà tiré la sonnette d'alarme. Après avoir déclaré que l'Algérie possède un très ambitieux programme de développement économique qu'il faudra mettre en oeuvre en un laps très court de temps, il a, dans le même temps, souligné la nécessité de contrôler la destination des énormes enveloppes financières consenties dans ce cadre. Le plan de relance économique de 80 milliards de dollars que le premier magistrat du pays a programmé pour consolider la croissance, résorber le chômage, régler un tant soit peu la crise aiguë du logement, construire les infrastructures de base dont le pays a besoin, est considéré comme une manne tombée du ciel pour tous ces aigrefins et ces requins qui n'en ratent pas une et dont la dent crève la moquette. C'est que, bon an mal an, plus l'Etat injecte des sommes colossales dans le circuit, plus les mêmes cercles mettent en place des réseaux de plus en plus raffinés pour pomper comme des sangsues tout cet argent que la providence met sur leur route et provenant de la manne publique. C'est ainsi qu'entre les caisses du Trésor et les poches de certains milieux, existe un système de vases communicants activant dans l'opacité et échappant à tout contrôle. Voilà donc le gouvernement dos au mur. C'est que le système est si bien huilé, d'autant plus, qu'en l'absence du chèque, le contrôle est difficile et la traçabilité des fonds impossible. Il existe une expression populaire qui s'appelle «ched med», tout se passe de la main à la main et sous la table. Ni vu ni connu. Sans compter que les personnes qui s'adonnent à ce sport national en toute impunité ont le bras long et des complicités tissées à tous les niveaux. Devant les magistrats donc, le président Bouteflika a donc été plus explicite, en mettant l'Exécutif au pied du mur. Si certains traînent la patte, il est fort probable que des sanctions seront prises, notamment par un changement d'équipe gouvernementale. Le courroux présidentiel concernait les retards pris dans la mise en oeuvre de la loi promulguée en février 2006, et portant création de l'organisme de prévention chargé de la lutte contre la corruption. Il reste à souhaiter que les décrets d'exécution ne restent pas lettre morte, car très souvent en Algérie, les textes ne valent que par les hommes qui les appliquent. Or si ces derniers sont eux-mêmes impliqués dans les réseaux de détournement de deniers publics et de blanchiment d'argent, autrement dit, si H'mida est le joueur et le recham, les corrompus et les corrupteurs auront encore de beaux jours devant eux.