Il n'est pas possible de construire un Etat fort sans recourir à l'application des lois de la République. «Gouverner, c'est maintenir les balances de la justice égales pour tous», dixit Franklin Roosevelt. Ce passage explique d'une forte manière le rôle important de la justice dans l'édification d'un Etat de droit. Incontestable. Critiquée maintes fois pour sa lenteur, la justice algérienne part à la conquête de sa modernisation. Conscient de cette vérité, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a procédé à un mouvement partiel dans le corps des présidents de cours et des procureurs généraux près les cours. Des mutations, des fin de fonctions et de nouvelles nomination ont été au menu. Les mutations ont concerné six présidents de cours de justice et huit procureurs généraux. Fin de fonction et affectation à la Cour suprême: 13 magistrats (présidents de cours et procureur généraux) figuraie dans la liste. Nouvelles nominations: 8 procureurs de cour de justice et 6 procureurs généraux viennent de renforcer la machine judiciaire algérienne. Parmi les mouvements les plus importants, figure la mise à la retraite du président de la cour de justice et du procureur général près la cour d'Alger, respectivement MM.Lamraoui Abdelhamid, et Medjreb Douadi. Ces deux magistrats sont remplacés par Touati Seddik, président de la cour de justice de Blida et Zeghmati Belkacem, procureur général près la cour d'Oran. La cour de Blida sera, désormais, présidée par Hamdi Bacha El-Hadi, procureur général près la cour de Tizi Ouzou. Les wilayas les plus concernées par ce mouvement sont Alger, Tizi Ouzou,, Tlemcen, Mostaganem, Béjaïa, Blida, Oran, Sidi Bel Abbès, Ouargla et Biskra. En procédant à ce changement, le président de la République veut, sans aucun doute, donner plus de crédibilité au secteur, et redynamiser une fonction. Avec en filigrane, donner un coup de pouce à la réforme de la justice et injecter à celle-ci un sang neuf. Ainsi, ce mouvement s'inscrit dans le cadre des réformes globales de la Justice. Depuis son élection à la magistrature suprême de l'Etat, M.Bouteflika a fait de la réforme de la justice son cheval de bataille. Son challenge est de la parachever avant la fin de son deuxième mandat. Le chef de l'Etat est revenu à la charge, lors de son discours annuel prononcé devant les cadres du ministère de la Défense nationale. «La consolidation de l'Etat de droit devra être poursuivie à travers, en particulier, la continuation du programme de rénovation de l'institution judiciaire, qui ira de pair avec un niveau d'exigence accru en ce qui concerne les performances d'ensemble du système et la qualité individuelle des magistrats», soulignait M.Bouteflika. Et de préciser que le magistrat ne «doit pas» être seulement un simple technicien du droit ou un expert appliquant de manière mécanique des règles plus ou moins précises. Toutefois, le chef de l'Etat a insisté sur les valeurs morales, l'indépendance et le sens de l'équité du magistrat. Cette indépendance «ne doit pas, selon M.Bouteflika, se traduire par le bon vouloir du juge s'exprimant en contre-pouvoir et agissant en dehors des limites que lui imposent les lois, car ce n'est pas la meilleure manière de servir la justice». De son côté, Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, garde des Sceaux, a souligné, récemment, les efforts entrepris en vue de réformer la justice en Algérie. «Il n'est pas possible de construire un Etat fort, sans recourir à l'application des lois de la République», mais celles-ci «doivent inévitablement passer par la réforme», souligne d'autre part le ministre. Ce mouvement dans le corps de la justice explique, également, la volonté du chef de l'Etat de rehausser le niveau de confiance de cet important levier de l'Etat de droit. Les citoyens cherchent à en finir avec la longue attente dans le traitement des dossiers. Tout le monde se plaint du cumul et des retards dans le traitement des procès. Dans une déclaration à L'Expression, Abdelmadjid Silini, bâtonnier et président de l'Union nationale des barreaux d'Algérie, a affirmé que «80% des procès de la justice sont expéditifs». Un meilleur fonctionnement et une plus grande efficacité des tribunaux sont les garants d'une justice rendue dans les limites du droit. Cette volonté de l'Etat est affichée par les procès autour des scandales, notamment financiers. Les procès Bcia, BDL, BNA, CAB, Badr et El Khalifa, sont, en l'occurrence, la meilleure preuve de la volonté des pouvoirs publics d'assainir la situation. De lourds dossiers sont en attente. Tayeb Belaïz avait affirmé que «ce qui a été jugé à Blida n'est qu'une partie de l'affaire» faisant référence au dossier Khalifa. Aussi, les observateurs voient dans ce mouvement la volonté des pouvoirs publics de mener à terme la lutte contre la corruption. Des primes, des habitations individuelles et d'autres avantages sont attribués aux magistrats pour les conforter dans leur mission de rendre la justice. Rappelons que dans le cadre de l'assainissement de la fonction, plus d'une quinzaine de magistrats sont passés devant le conseil de discipline du Conseil de la magistrature. Parmi les 17 magistrats suspendus, neufs ont repris leur travail, trois ont été relaxés et les autres ont été blâmés et rétrogradés. Le reste, c'est-à-dire les huit autres ont été sévèrement sanctionnés par le conseil de discipline. Six parmi eux ont été radiés et deux mis à la retraite d'office. A signaler que les magistrats ont été suspendus pour non-respect des règles de la profession. Cette affaire aurait servi de leçon pour la corporation des magistrats. Par ailleurs, le Conseil supérieur des magistrat (CSM), se réunit, aujourd'hui, afin d'étudier les effets induits par ce mouvement partiel. Le Conseil se réunira en session ordinaire, sans la présence du chef de l'Etat, ni celle du ministre de la Justice et garde des Sceaux.