Comme chaque année, le mois de jeûne est accueilli avec appréhension par les familles souk-ahrassiennes les plus démunies. Cette manne d'argent couvrira pendant le mois de Ramadhan les repas chauds, outre les 3000 couffins contenant des produits de première nécessité (huile, sucre, café, semoule, farine...) dont la valeur de l'unité est estimée à 2500DA. Ces paniers apporteront un bonheur éphémère aux nécessiteux de la wilaya. Incontestablement, une tension de plus en plus vive règne ces jours-ci à la rue Frantz-Fanon, siège du Croissant-Rouge algérien où une marée humaine, composée essentiellement de démunis, a attaché ses amarres en quête de subsides. Leur nombre grossissant à vue d'oeil et leur acharnement à vouloir vaille que vaille profiter de l'obole publique, sont à ce propos nettement révélateur du degré de déchéance dans laquelle ils se débattent. Représentatifs de toutes les générations mais issus d'une seule catégorie, celle des pauvres, ils sont des centaines, voire davantage, de vieux, vieilles, jeunes garçons et jeunes filles, enfants, à jeter, en désespoir de cause, sans doute, leur dévolu sur le CRA, ultime chance avant le purgatoire, où plus de 100 repas par jour sont destinés aux nécessiteux. Quant à l'aide promise par l'APC sous forme de denrées alimentaires, elle semble si dérisoire eu égard à la multitude de demandes à satisfaire, d'où le dilemme cornélien qui s'est imposé de lui-même, à ceux qui veillent à l'exécution de cette opération, surtout quand la quantité de produits prévue au départ (3000 quotas) par l'APC est insignifiante par rapport à la demande, devant la détermination des déshérités à bénéficier, envers et malgré tout, de victuailles qui ont valeur de survie à leurs yeux. Les discours rassurants des responsables qui chapeautent cette opération, dont la volonté et le courage sont tout simplement admirables, visant à apaiser les esprits et à tempérer, autant que faire se peut, l'ardeur survoltée de la plèbe, paraissent inaudibles, et pour cause: «ventre affamé n'a point d'oreilles». Cela dit, il faut savoir raison garder; à vrai dire l'aide de la willaya, si elle est la bienvenue, ne résout, en revanche, rien! Selon les chiffres fournis par la DAS, le nombre de démunis, officiellement recensés par les services communaux à travers l'ensemble des 26 communes que compte la wilaya, est de 15.269 familles nécessiteuses, or il n'y a pour l'heure, que 3000 couffins à distribuer, autrement dit, même pas le tiers du contingent à satisfaire. Cela traduit la réelle perplexité dans laquelle se trouvent les autorités. Dans ce contexte, un indigent interrogé par nos soins sur ce maigre quota de couffins, nous a répondu: «La solidarité sociale est l'affaire de tous les acteurs financièrement aisés de la société et non point exclusive de l'Etat ou de quelques associations caritatives, nous interpellons les nantis de la ville dont peu seulement se sont manifestés pour apporter leur contribution». L'exemple le plus édifiant est celui du Croissant-Rouge algérien et de quelques associations qui se démènent comme elles peuvent avec très peu de moyens mais avec un coeur gros comme ça, dans le souci de sustenter leurs prochains. Admirable leçon de dévouement et de don de soi, convenez-en, appelée à faire école, puissions-nous ambitionner de relever le défi de la pauvreté qui demeure, tout compte fait, immense à la lumière d'une réalité difficile sous tous rapports.