Le Ramadhan et l'Aïd achèvent les petites bourses. Loin de lui l'idée de se rendre sous d'autres cieux pour passer des vacances ou profiter de quelques jours de soleil au bord de l'eau. De nos jours, le citoyen algérien se limite à gérer son quotidien. Ces moyens financiers lui permettent juste de vivre modestement, d'essayer de faire face aux imprévus et de combler, à la limite, les dépenses circonstancielles ou contraignantes.Cette année, et eu égard aux dépenses occasionnelles qui se sont succédé, il faut admettre que les choses n'ont pas été faciles pour la majeure partie des Algériens. Interrogés à cet effet, de nombreux citoyens affirment qu'ils se sont endettés à outrance alors que d'autres étaient contraints de vendre un bien pour répondre aux besoins de leur famille. «L'unique bien que j'avais c'était ma bagnole. Maintenant je ne l'ai plus, je l'ai vendue le mois de juillet dernier pour le mariage de ma fille. Je ne pouvais pas faire autrement», dira un quinquagénaire, père de cinq enfants, très éprouvé par ce qu'il lui est arrivé. Il nous révèlera, aussi, qu'il a dû rien dire à ses enfants concernant la situation difficile dans laquelle il se trouvait financièrement et qu'il leur avait même promis un véhicule neuf. La fin de l'été et ses dépenses festives a coïncidé, en effet, avec la rentrée des classes mettant à mal les parents face aux dépenses scolaires. Puis vint le mois de Ramadhan, durant lequel se multiplient les caprices et les folies pour mettre à sec toutes les économies et enfin, c'est au tour de l'Aïd de casser définitivement la tirelire. A vrai dire, ces derniers mois ont été durs à surmonter pour la majorité des Algériens et particulièrement ceux qui n'ont que leur salaire pour affronter les pénibles situations. Durant ce mois sacré, et tellement éprouvant par la cherté de la vie quotidienne, le simple citoyen a eu également à subir les difficultés énormes et sans égales en matière de dépenses. Tous les espoirs qu'il nourrissait se sont finalement écroulés tel un château de cartes devant l'incapacité des pouvoirs publics à lui assurer les denrées alimentaires nécessaires à des coûts abordables,En effet, le Ramadhan 2006 n'a pas dérogé à la règle de la flambée des prix et dans les marchés, la viande et les légumes ont su garder longtemps leur envolée en dépit des sorties répétées et quotidiennes sur le terrain des brigades de contrôle de la qualité et des prix et des éléments de la direction du commerce. Devant les tarifs élevés de la volaille cédée entre 180 et 220DA le kilo et de la viande rouge dont le prix dépasse le plus souvent les 550DA le kilogramme, le consommateur qui ne sait où donner de la tête, n'a eu d'autre choix que de se rabattre sur la viande congelée. Chose qu' il fait ou plutôt qu'il subit car, de l'avis de toutes les ménagères, une chorba sans viande fraîche reste une chorba sans saveur. Et en plus des prix excessifs des légumes et de la viande, la meïda familiale exige bien d'autres dépenses et la variété des mets n'est plus à démontrer, sachant que pendant le mois de jeûne l'appétit du jeûneur et ses caprices dépassent toute imagination. En cette dernière semaine du mois de piété (il faut rappeler qu'on est bien loin de cette noble notion comme défini par le Coran et la religion musulmane) et à l'approche de l'Aïd, les choses se compliquent pour les petites et moyennes bourses déjà cruellement éprouvées par les dépenses Chez nous, à peine la deuxième quinzaine de Ramadhan entamée, que la famille algérienne pense déjà à ce qui ferait plaisir à ses enfants le jour de l'Aïd. Et du coup, on change de centre d'intérêt, on délaisse donc la variété des plats et on dévie petit à petit des caprices ramadhanesques pour lorgner du côté de la confection et les boutiques d'habillement. Effectivement, ces jours-ci, on assiste à un fait inhabituel; avant le ftour, on remarque moins de monde devant les marchands de zalabia et l'engouement pour les friandises a énormément baissé. Dans la ville de Bouira, force est de remarquer, à présent, que les citoyens désertent de plus en plus les marchés des fruits et légumes ainsi que les quartiers où sont vendus les produits alimentaires tels que la rue de France ou l'Ecotec. Contrairement à leurs habitudes ramadhanesques, les femmes ne restent plus chez elles la journée et elles sont nombreuses celles qui vont faire du lèche-vitrine dans les magasins, les marchés ou les centres commerciaux où sont vendus les effets vestimentaires à moindre prix. La mission n'est pas du tout facile et contenter les uns et les autres sans grever le budget familial, relève de l'impossible. «Je ne suis pas du tout satisfaite des achats que je viens de faire. Mais on n'y peut rien, on est obligé. Regardez cet ensemble pour garçon, je l'ai difficilement négocié à 1500DA pour mon petit qui n'a que trois ans» s'exclame une mère de famille à la sortie d'un magasin pour enfants situé au pont Sayah, dans le centre-ville. Cette mère ne fait pas exception du fait qu'elle ne soit guère satisfaite des habits qu'elle vient d'acheter, car plusieurs parents, interrogés sur la relation prix/qualité des produits mis en vente, n'ont pas manqué d'exprimer leur désapprobation et leur déception quant aux prix affichés. «Certes, les vêtements importés sont de bonne qualité mais ils sont le plus souvent inaccessibles au moyen salarié. Pour mes deux enfants âgés de trois et six ans, j'ai dû débourser 7500DA et le mois de Ramadhan est toujours là...», souligne un jeune enseignant qui se dit outré par la hausse des prix inexpliquée et les dépenses qui le harcèlent de toutes parts en ce mois sacré. En somme, et partant des témoignages recueillis chez des personnes appartenant à des franges différentes de la société (fonctionnaires, retraités, femmes au foyer, chômeurs...), il est utile de souligner que chaque jour qui passe, nous apprend malheureusement, que la situation sociale des Algériens ne s'améliore guère. Au contraire, les problèmes du simple citoyen s'amplifient et les moyens dont il dispose ne lui assurent nullement une vie décente.