Le mois de Ramadhan est, par excellence, le mois où le mouvement associatif «se réveille». Autant sur le plan social que sur celui du culturel, le même schéma se reproduit. Le rôle conjoncturel des associations n'échappe à personne. La décision prise récemment par le maire de Béjaïa de confier la distribution des couffins de Ramadhan aux imams des mosquées, a fait sortir les associations de leurs gonds. Habitués qu'elles étaient à gérer à leur guise toutes les aides étatiques, les associations ont fait savoir leur mécontentement sans pour autant chercher à pallier la disparition de l'aide de l'Etat par d'autres qui relèveraient de leur initiative. Ce qui a fait dire à un citoyen que même le mouvement associatif n'échappe pas à l'assistanat. Cet épisode ramadhanesque nous a amené à poser un certain nombre de questions tout à fait légitimes si l'on considère le rôle des associations. Qui représente les associations, toutes catégories confondues, quels sont leurs programmes réels, constituent-elles véritablement la société civile, où va leur argent? Autant de questionnements qui taraudent l'esprit du commun des mortels tant les solutions à leurs préoccupations quotidiennes ne sont pas perceptibles, ou, du moins, ne viennent pas de ces cadres organisationnels qui, sous d'autres cieux, n'attendent jamais de subventions et autres de l'Etat pour venir en aide aux démunis ou promouvoir une quelconque idée politique ou culturelle. Exerçant diverses activités, de manière bénévole et officiellement, ces associations dont le nombre s'élève à plus de 3500 à Béjaïa, se résument le plus souvent à un staff très réduit. Quant aux jeunes, ils ne sont représentés, dans la majorité des cas, que par leurs noms dans un procès- verbal à peine dépoussiéré. «Comme il est aisé de former une association! Des jeunes d'un quartier, d'une cité ou d'un village -le vent en poupe au début- se réunissent autour d'objectifs, puis se tournent vers les APC et les structures de l'Etat pour obtenir des subventions. Fougueux, ils participent aux activités circonstancielles, ensuite, ils retombent dans la routine et l'apathie», soutient un cadre de la wilaya habitué à travailler avec ce mouvement. «Le groupe se décompose, alors, peu à peu et on se retrouve face à des associations fantômes auxquelles on fait appel uniquement durant les fêtes nationales ou autres événements locaux», regrette le président d'une association. Financées par les pouvoirs publics, ces «organisations de masse» sont automatiquement liées aux desiderata et «exigences» des daïras et communes. «C'est juste!» reconnaît un membre d'une autre association culturelle dans la vallée de la Soummam, avant d'ajouter «la plupart des responsables d'association, pour des intérêts personnels, deviennent les sbires des autorités locales. Au lieu de défendre les intérêts des jeunes, ils se rangent du côté des responsables locaux». Et de conclure tout en se disant marginalisé parce que les autorités voient mal le fait qu'il les harcèle avec ses doléances concernant la situation culturelle déplorable de sa ville. «Si ces associations forment réellement la société civile, et si elles font preuve de crédibilité ou d'un quelconque pouvoir, les choses iraient beaucoup mieux et sur tous les plans», affirme un jeune qui souligne avec insistance avoir vu des associations naître pour les besoins d'un maire, d'un chef de daïra. Il est très rare de voir une association organiser une assemblée générale pour renouveler ses structures. Si certaines le font, c'est en catimini. Quant aux subventions, même si les pouvoirs publics n'en donnent presque plus depuis quelques années, exception faite pour les associations sportives, celles qui en avaient bénéficié n'ont jamais fait l'objet d'un contrôle ou d'une enquête. Quant à voir les associations chercher à se débrouiller sans l'Etat, on en est encore loin, très loin même, tant que la confiance n'est pas de mise et que les acteurs du mouvement associatif ne se sont pas débarrasser de vieux réflexes qui ont visiblement la peau dure.