Une dizaine rien que dans la capitale. Un phénomène socioculturel attractif et explosif... Si le mois de Ramadhan est synonyme de piété et de baisse du pouvoir d'achat surtout, un phénomène auquel personne n'a pu échapper, est en passe de s'amplifier, ces dernières années: la floraison des khaïmate! Une apparition fulgurante qui prend de l'ampleur année après année. Un fait bien réel: quand le prix de la pomme de terre flambe, c'est une khaïma qui éclôt à côté. Le Ramadhan arrive à sa fin...D'aucuns affirment que les khaïmate sont l'apanage des «jet-seters» ironisent-ils avec un soupçon de médisance en filigrane. Ben, voyons... Loin s'en faut! Si supposé que cette acception «people» peut s'appliquer à une société régie par le starsystem, ce qui n'est le cas chez nous, c'est loin d'être une réalité effective mais plutôt fictive. Un préjugé qui tombe, par conséquent, de lui-même. Un petit tour dans ces antres des mille et Une nuits s'est donc imposé de lui-même, encore cette année. Nous avons visité aussi, pour vous, les khaïmate «les plus stratégiques» de la capitale. Premier constat, ces khaïmate ne sont pas l'apanage de soi-disant jet-sets mais sont fréquentées par toutes les franges de la population ou presque. On y trouve des universitaires, des étudiants, garçons et filles, des P-DG, des fêtards, des artistes, etc. D'aucuns diront que certaines d'entre elles (les khaïmate) ressemblent, à s'y méprendre, à des cabarets sans alcool. Soit. Quand bien même cela est vrai, tout le monde a aussi le droit de se divertir, et surtout de choisir son lieu de prédilection! Et puis, pourquoi tomber aussi bas et jouer à l'indigné prude? Avant, il y avait les boîtes, aujourd'hui, il y a les khaïmate. Les khaïmate du Ramadhan, phénomène de mode ou une réponse-solution à une réelle demande? Telle est la question. Pas la peine de tergiverser. La réponse «s'inflige» d'elle-même: dans un pays comme le nôtre où les espaces et structures d'animation font défaut, il est heureux de trouver, en effet, ce genre de lieux où, une fois n'est pas coutume, l'on peut se changer les idées, se délasser, se divertir dans une ambiance de fête et dans un cadre agréable, exempt d'alcool. Alors, que demande le peuple? Et, au vu de la multiplicité de ces khaïmate et le nombre impressionnant des gens qui les fréquentent en allant crescendo, simultanément, l'on peut que déduire que ceci est la résultante naturelle et constante d'une forte et vraie demande du client, sans qui ces lieux seront vides. Or, justement, ces khaïmate ne désemplissent pas durant tout le mois sacré de Ramadhan, réputées ainsi pour leurs veillées et leurs sorties nocturnes exemplaires. Ceci est, en effet, le charme du Ramadhan! Suivez-moi donc dans mes pérégrinations! Au départ, il y a eu la khaïma du Sheraton. Rien de nouveau pour cette année. Grande et spacieuse, celle-ci s'apparente plutôt à une salle des fêtes. Certes, l'animation y est et l'ambiance se déride au fur et à mesure que la nuit déroule son tapis. Abderrezak Guenif, Abdou Derriassa, du raï, différents styles de musique sont proposés. A chaque hôtel, son standing, et donc son prix d'entrée. Ici, le tarif est revu à la hausse par rapport aux autres khaïmate. Mais comme on dit, c'est le Sheraton! Et cela ne désemplit pas. Entre le kitch et le traditionnel Cette année, un autre hôtel a voulu se mettre à l'heure des khaïmate, par mimétisme ou esprit de compétition? L'hôtel Saint- Georges, sous la houlette d'une boîte privée, a fait monter sa khaïma à l'intérieur même de l'hôtel. Un peu kitch avec notamment ces rideaux de toile qui pendouillent...Heureusement que les murs et les piliers de l'hôtel sont là pour rectifier le tir et atténuer, un tant soit peu, cette fausse note. Mais bon, les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas...C'est Hamidou qui a eu l'insigne tâche d'inaugurer cette khaïma, qui a vu aussi la participation d'Amel Wahbi en play-back improvisé, l'orchestre ayant été tout simplement dans l'incapacité de la suivre, musicalement. Autre khaïma qui a éclos cette année, c'est khaïmate Ramadhana, sise au Bois des Arcades. Celle-ci s'étale en espace et en longueur musicale. Musicalement, cela ne s'arrête jamais et aucun artiste ne ressemble à l'autre. Khaïmate Ramadhana est l'extension du restaurant 4 étoiles, El Boustan. Un lieu haut en couleur ouvert par sa terrasse qui donne sur une magnifique forêt luxuriante. Salim d'El Fhama, Shakira, Idir, Nasser Amir, Nawel Scander, Raâfat Alama, Adel Amine et d'autres encore égayeront les qaâdate de ces nuits ramadhanesques à Riadh El Feth. On vient, on papote et puis hop, on est happé par la musique d'en face. Et ça danse jusqu'à une heure tardive de la nuit. L'entrée est à 500DA, boisson chaude (thé ou café), limonade et un gâteau oriental au menu, compris. L'originalité de la khaïma Ramadhana? la variété de ses choix culinaires, allant du libanais au turc en passant par l'égyptien et l'algérien. Idem pour les spécialités en pâtisserie. Cette khaïma a, contre toute attente, accueilli dans la grande surprise, au tout début du mois de Ramadhan, le roi du raï, Khaled. Une soirée mémorable qui a dû, assurément, marquer la mémoire des présents. Des surprises sont aussi au programme, nous a affirmé l'un des gérants de cette khaïma, l'infatigable Sofiane Rebba. Mehraz a bien visé, d'ailleurs, en invitant ses «poulains» musiciens du plateau Scene Dz qui se sont déroulés en plusieurs dates à la salle Ibn Zeydoun, à aller se ressourcer ou se défouler -c'est selon- et finir en beauté sa soirée dans cette somptueuse khaïma. L'incontournable musique gnawie Le gnawi, maître «cérémonial» de ce Ramadhan, lui aussi, on se demande s'il est un simple phénomène de mode ou un retour bien réel aux sources et à cet enracinement à la terre-mère? Une perte de repère identitaire que justifie cette accroche au gnawi? Peut-être. Comment aussi, peut-on, par magie, redevenir des pieux musulmans qui ne jurent que par le gnawi, les chants sacrés et autres madih dini en un simple mois, dit, à juste titre, de «piété»? Ceci justifierait-il cela? Est-ce que l'on est forcément moins musulman pour autant le reste de l'année, a fortiori, si on n'écoute pas le gnawi ou mieux, durant le Ramadhan? En tout cas, force est de constater, et fort heureusement d'ailleurs, que ceci n'est pas juste l'affaire d'une parenthèse dans l'année pour nos jeunes, en témoignent toutes ces salles pleines à craquer qui passent à profusion le gnawi, en dehors du mois de Ramadhan. «Concerts gnawis» est «l'offre» sous-entendue alléchante que propose la khaïma Assimia, sise au Théâtre de verdure de Sidi Fredj. Cela n'empêche pas de proposer des groupes du style Bois Sacré, Ismaïlia, Onza, etc. qui, pour les connaisseurs, savent bien que le gnawi n'est pas le tout de leur palette musicale...Une autre khaïma qui a brillé par ses quaâdate gnawies est celle de l'hôtel El Riad. Encadré par AS Production, celle-ci a vu défiler différents groupes dont Djmawi Africa, Sakia, Ismaïlia, Caravane, en plus des guest-stars comme Gaâda Diwane Béchar, Cheikh Sidi Bémol, Karim Ziad et Djamel Laroussi qui se sont produits avec succès à la salle Ibn Zeydoun sous le générique Ramdani gnawi. Cette khaïma traditionnelle allie tous les genres typiques du Sud d'el hamra à la kahla. Autres khaïmate écloses cette année, est celle de l'hôtel Mouflon d'or, à Ben Aknoun ou encore Le Club Djezzy, à 200DA l'entrée seulement. Une des plus belles khaïmate est indiscutablement celle de l'hôtel Hilton, importée de Djelfa (el kahla): ambiance décontractée et jeune comme celle des gnawis, celle-ci a pensé à tout pour satisfaire le maximum de gens. En plus du plateau de la chanson algérienne de coutume (Hamidou, Meziane Izorane, Nawel Skander, Chebba Yamina, Lyès Ksentini, Mourad Djaâfri, Chaou, Harmonica, Omar Mamèche, Noureddine Allane, Réda6K, Hakim Salhi, etc.) qui se déroule en deux parties, place après, vers 00h30, au DJ Toufik qui fait éclater les décibels et pousser les récalcitrants sur la piste de danse. Le clou de la soirée est le fameux karaoké. Le décor inspiré du terroir maghrébin est signé M.Belkaïd. Ce dernier, styliste modéliste, vient d'une famille férue de textile, de grand-père en petit-fils. Il est en plus designer. Il se souvient avoir confectionné les plus beaux atours, à l'époque des années 1980 à l'Oref, du fameux spectacle Rêve bleu de Safy Boutella. D'une capacité de 480 places, cette khaïma reçoit, en moyenne chaque jour, environ 300 personnes. Une vraie ambiance bon enfant! Côté cadeaux, Nedjma, le partenaire de cet événement, offre, chaque week-end, des pack multimédia, tandis que la marque d'automobile Subaru offre une voiture. Pour sa part, Qatar Airways propose 12 billets pour 70 destinations. Quant à la nouvelle piscine Terra Parc, située à Zéralda, elle aussi a choisi, quelques mois après son ouverture, de miser sur ce filon ramadhanesque en implantant, non pas une mais deux khaïmate: une en son sein et une seconde à 500m d'ici des Ouled Naïel. On vous le dit: la khaïma, cela devient incontournable. On vous aura prévenus!