Le Ramadhan cette année a été aussi “chaud” en matière de prix de produits de large consommation que celui de l'année passée. À quelques jours de l'Aïd el-Fitr, donc de la fin du mois sacré, la tendance n'est pas à l'apaisement. Les prix des fruits et légumes restent toujours élevés, même si de maigres baisses ont été enregistrées sur certains produits. Le kilogramme de pomme de terre est cédé à 50 dinars. La tomate fraîche affiche elle aussi 50 dinars. L'oignon est vendu à 40 dinars. La salade verte oscille entre 80 et 90 dinars. Le poivron est proposé à 60 dinars, la carotte et la courgette entre 50 et 60 dinars… Les prix des viandes rouges et blanches ne semblent pas connaître de repli. Les petites et moyennes bourses ont été ainsi mises à rude épreuve, et ce n'est pas encore fini. Le Ramadhan, encore une fois, cette année, coïncide avec la rentrée sociale synonyme aussi de grandes dépenses. Le Ramadhan censé être le mois de piété et de tolérance est aujourd'hui synonyme de tous les excès. En face, l'Etat, censé jouer son rôle de régulateur et protéger le consommateur, apparaît dépassé par ce mouvement spéculatif. Et les assurances du ministre du Commerce prononcées avant le début du Ramadhan sont battues en brèche. La loi de l'offre et de la demande n'explique pas, à elle seule, le mouvement haussier des prix. L'autre explication, il faut la chercher ailleurs au niveau de l'efficacité des services de contrôle et la mainmise des spéculateurs sur les circuits de distribution. Les pouvoirs publics eux-mêmes reconnaissent que pour les fruits, les légumes et les viandes, la production couvre suffisamment les besoins ; cependant, l'augmentation de la demande, conjuguée aux spéculations, génère des hausses conjoncturelles de prix sans aucune justification économique. Cette tendance haussière des prix s'est produite en dépit d'une offre croissante et d'une meilleure productivité des terres agricoles. C'est donc du côté de la distribution que se trouvent les difficultés dont pâtit le consommateur. La désorganisation des circuits de distribution a laissé le champ libre aux rentiers et autres spéculateurs. L'effort consenti par les pouvoirs publics pour aider les agriculteurs, en réalité, ne les atteint pas, mais profite aux intermédiaires qui drainent des rentes commerciales importantes vers d'autres secteurs. Le président de la République, lors d'un Conseil des ministres, avait relevé que dans les conditions actuelles, la maîtrise de la régulation du marché, notamment à l'occasion du mois de Ramadhan, a révélé ses limites face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravés conjoncturellement surtout par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens et à l'encontre de la portée spirituelle du mois de Ramadhan. “J'entends qu'aucune règle de liberté du commerce ne soit invoquée à l'avenir pour justifier la limitation des capacités de l'Etat à imposer des pratiques commerciales loyales et à réprimer les spéculations qui nuisent aux citoyens. Les moyens requis seront mis à la disposition des services de contrôle commercial, mais ces derniers devront assumer leur responsabilité entière et reprendre la situation en main”, avait déclaré le chef de l'Etat, reconnaissant implicitement l'incapacité de l'Etat à juguler le phénomène de spéculation. Il faut relever ici les dysfonctionnements dans le secteur commercial, un secteur peu modernisé qui connaît une informalisation croissante. Certains experts évoquent une atomisation du commerce et un déséquilibre dans la répartition spatiale. Le problème principal dans ce domaine est l'absence d'application des lois et règlements existants, ce qui encourage fortement la généralisation des pratiques informelles. On observe aussi une défiance croissante vis-à-vis de la fiscalité et une prolifération de la corruption. Plus grave encore, cette informalisation génère des masses de capitaux insoupçonnées qui risquent de s'ériger en obstacle sérieux à toute réforme du secteur.