Blasphématoires, attentatoires à l'honneur de l'Islam et des musulmans, sont les termes qui reviennent pour qualifier les écrits parus dans ce quotidien régional en janvier dernier. Des citoyens, tant à Oran que dans plusieurs villes de l'Ouest, n'ont pas trouvé de mots pour dire que le journal a commis un sacrilège en publiant une série d'articles qui sont plus méchants que ceux de Salman Rushdie. Au-delà de la réaction de certains imams et certaines associations, c'est la rue qui a exprimé son courroux en dénonçant la série d'articles, «Mohamed, le Prophète d'Allah», publiés par le journal. Si certains qualifient de grave atteinte à l'honneur de l'Islam et des musulmans, d'autres, plus mesurés, mettent cela sur le compte d'une liberté d'expression qui ne devrait pas s'embarrasser de fioritures pour donner libre cours à la pensée. Le journal, qui a mis cet impair sur le dos d'agents techniques peu consciencieux, n'a pas réussi à éteindre le feu qu'il a involontairement allumé. Toutes les raisons invoquées à tort et à travers pour expliquer la publication de ces articles n'ont pas réussi à blanchir la direction du journal coupable, aux yeux d'une large opinion, de blasphème et d'atteinte au Prophète des musulmans. D'autres citoyens n'ont pas apprécié le silence des pouvoirs publics qui auraient, à leurs yeux, dû instruire le ministère public pour déposer une plainte contre le journal. Mieux encore, certains n'ont pas manqué de tiquer en lisant une précision adressée au journal par le président du Haut Conseil islamique. «Ce dernier, dans une correspondance adressée au quotidien, s'est appuyé sur un argumentaire puisé dans la Bible et certains écrits au lieu de puiser dans le Coran texte sacré», dira un citoyen qui ne s'empêchera pas aussi de condamner le fait que le président de cette institution a attribué au Prophète la qualité de créateur de l'islam. C'est le Messager de Dieu et l'Islam n'est pas une création de l'Homme, dira notre interlocuteur. Le tollé soulevé par cette affaire a dépassé le cadre purement régional pour prendre une dimension nationale quand des publications, vendues aux quatre coins du pays, ont pris l'événement pour dénoncer ce qu'ils ont qualifié de coup concocté par des officines de Croisés pour frapper les musulmans. Plusieurs citoyens que nous avons contactés et qui ne se revendiquent pas du courant islamiste, n'ont pas manqué de dire qu'il faudrait condamner ce genre d'écrits pour éviter que les courants extrémistes islamistes ne prennent l'événement pour lui donner une interprétation et une dimension qui arrangeraient leurs desseins et leurs courants de pensée. «Les pouvoirs publics auraient dû agir et ne pas laisser le champ libre à des imams illuminés qui ne se sont pas privés de prononcer des fetwas contre les employés du journal», dira un citoyen. Tout Oran a en mémoire l'affaire des jeunes appréhendés cet été pour prosélytisme ou encore celle de la vente des versets sataniques de Salman Rushdie dans des instituts de la ville. Ces événements qu'on avait assimilés à des tentatives de courants de fils de harkis et d'anciens nostalgiques de l'Algérie française continuent de susciter encore des commentaires. Pour éviter que l'Islam ne serve de fonds de commerce à certains, il faudrait le défen- dre quand il fait l'objet d'attaques, fera remarquer un citoyen qui ne s'empêchera pas de dire qu'au-delà de la défense d'une des dimensions de l'identité nationale, c'est le fait de faire barrage aux ennemis de la nation qui pourraient être tentés de prendre ce genre d'événements pour revenir sur la scène et repartir dans leur guerre contre l'Algérie et les Algériens.