La ville est sens dessus dessous. Hier, la ville portuaire était quasiment déserte et les commerces et cafés fermés à près de 90%. Dans une ville morte, la population, descendue principalement d'Afir et épaulée par des habitants de la ville, étaient massés et exigeaient une certaine protection. La colère a pour origine l'assassinat d'un jeune homme, Toubbal Karim, âgé de 25 ans, tué d'un coup de couteau par un autre jeune, apparemment, suite à une altercation, disent des sources. Le corps transféré à l'hôpital pour, sans doute, une autopsie, nécessaire à la justice en pareil cas, n'a été rendu aux siens que très tard dans la soirée et sous la pression, disent des sources. Aussi, hier matin, les habitants du village d'Afir, village d'origine de la victime, le maire en tête, étaient à Dellys, environ une dizaine de milliers de citoyens, selon les gens, et à peine 1000 selon la police, scandaient des slogans hostiles et demandaient plus de sécurité et surtout le traitement exemplaire du cas. Des jeunes gens surexcités ont amassé des pneus à la sortie de la ville et les ont enflammés, coupant ainsi la circulation sur la route menant de Dellys à Tigzirt. La police et des unités de la Bmpj étaient là, essayant d'éviter des dérapages. La colère, qui gronde, a été adroitement canalisée par le maire d'Afir qui cherchait visiblement à calmer son monde. Mais les protestataires exigeaient l'organisation d'une marche sur le siège du tribunal de la ville pour demander que justice soit rendue. Les manifestants demandent à voir le wali de Boumerdès et personne d'autre. Ils veulent exposer au premier responsable de la wilaya leurs doléances car, selon un jeune manifestant, «les autorités locales ont tellement promis et tellement dit, que plus personne n'arrive à les croire aujourd'hui». Cette protestation, précisent plusieurs citoyens, est, en fait, une action conçue pour dénoncer ce qui se passe à Dellys. Aujourd'hui, la ville de Dellys, tout comme certaines petites villes du pays, souffre le martyre avec, en plus, des actions terroristes qui ont laissé, ici, des séquelles dans les mémoires, s'est réveillée avec l'apparition d'une autre violence, celle des hooligans. Lors de la marche d'hier, des policiers ont essayé de contenir les marcheurs au niveau du commissariat de Dellys et ont tiré quelques grenades lacrymogènes. Un moment, on a cru que la scène allait s'emballer, les jeunes gens ayant répliqué avec des pierres. Fort heureusement, l'intervention des adultes a fait que les choses rentrent dans l'ordre et la marche continuait sereinement vers le Palais de justice. Dans les rues de la ville déserte, les marcheurs avaient un seul but: dire leur holà et faire comprendre le sens de leur action: la condamnation de la violence. La longue procession arrive enfin devant le tribunal de la ville et s'immobilise. Les gens, attroupés et attendant apparemment l'arrivée du wali ou, à tout le moins, d'une personnalité, crient des slogans, tels «Pouvoir assassin» et «Y en a marre de l'injustice» et demandaient également le départ du procureur. La tension est à couper au couteau, pour des manifestants encore devant le Palais de justice aux alentours de 13h hier. «L'assassin est un repris de justice qui a déjà envoyé à l'hôpital un jeune et qui, on ne sait trop comment, est arrivé à être libéré avant même que sa victime ne sorte de l'hôpital.» D'où, d'ailleurs, cette colère contre la justice et le procureur. Ce qui est arrivé, hier, à Dellys est, en fait, une sorte de ras-le-bol des populations contre la violence, et cela risque fort de se produire dans n'importe quelle autre région du pays. L'Algérie ayant «gagné», depuis belle lurette, les rives de l'insécurité et de la violence.