Nos ancêtres ont toujours vécu sous le double signe de la conquête militaire étrangère et de la résistance populaire nationale... La démonstration en est tentée par l'historien feu Mahfoud Kaddache dans son volumineux ouvrage L'Algérie des Algériens, de la Préhistoire à 1954 qui vient tout juste de paraître et que l'on peut acquérir pendant l'actuel Salon du Livre d'Alger. En fait, il s'agit d'un ensemble de publications diverses, et probablement éparses, et regroupées par l'auteur avec l'intention de présenter aux lecteurs une somme d'informations importantes et utiles pour «entrer» dans l'histoire générale de notre pays. Cette idée a eu une bonne fortune éditoriale lors de «l'Année de l'Algérie en France», en 2002. La présente réédition concourt davantage à une meilleure compréhension des origines, de la construction et de l'évolution de la nation algérienne. L'auteur aborde librement, simplement, sans surcharge de notes et de références, les récits constitutifs et significatifs de plusieurs vastes périodes de la longue histoire de l'Algérie. Une méthodologie ou plutôt une pédagogie appliquée a permis à Kaddache de dépasser les études déjà entreprises -et fussent-elles, à proprement dire, «fort intéressantes» par bien des aspects- mais qui n'ont pas porté, précise-t-il, sur le «territoire actuel de l'Algérie». On accède à cette «Algérie des Algériens» par une sorte de portes monumentales ouvertes auparavant par la publication séparée de L'Algérie dans l'Antiquité, L'Algérie médiévale, L'Algérie durant la période ottomane et L'Algérie des Algériens. C'est que l'histoire de l'Algérie, telle qu'elle est présentée aujourd'hui par les historiens, comprendrait quatre grandes périodes, ainsi définies, entre autres, par J.J. Deluz dans son aperçu critique sous le titre L'urbanisme et l'architecture d'Alger: «Des origines à l'arrivée turque (1516; prise du Peñon, en 1529). Cette période, peu déterminée, couvre les époques phénicienne, romaine, berbère: Icosim, Icosium, Djezaïr Beni Mezghana; présence turque: 1516-1830; colonie française: 1830-1962; Algérie indépendante à partir de 1962». On voit donc l'intérêt et la justesse des propositions de Kaddache qui, grâce à un raccourcissement intelligent du temps historique, nous place devant des réalités «nationales» insoupçonnées par nous et pourtant produites par la géographie, le peuplement, la culture, l'économie et la résistance populaire politique et armée. Et certainement par d'autres éléments caractéristiques énoncés, ailleurs, par l'immense Ibn Khaldoun et par nos ancêtres, en tout temps, symboles de l'amour de la liberté et de l'indépendance, de la Préhistoire à 1954. Avec Kaddache, notre histoire prend son fait dans l'événement et, bien entendu, dans le temps, d'où la division qu'il propose pour clarifier son propos faisant ressortir la complexité de l'histoire proprement dite de notre pays et laissant apparemment le soin aux lecteurs d'en faire eux-mêmes la critique historique en lui soumettant des témoignages, dont il devrait, au reste, apprécier la valeur probante. Mais à charge aussi pour les lecteurs de ne pas se départir d'une certaine attitude libertaire pour bien s'assimiler la complexité de l'événement. Exercice difficile, certes! Néanmoins, il y a beaucoup à gagner en «leçons» d'Histoire, car «Aujourd'hui, les citoyens de l'Etat national algérien ont besoin de connaître l'histoire de leur propre territoire, celle qui est imbriquée dans la grande histoire de l'Afrique du Nord et du Maghreb, mais celle des ancêtres de l'Algérie actuelle, la Numidie, le royaume de Tahert, l'Algérie ottomane et l'Algérie coloniale. Ils y découvriront les sources de leur identité, les constantes de leur résistance multiforme et les acquis légués par les différents peuples et les civilisations qu'ils ont côtoyés...»