«J'espère que ce type de voyage constituera une locomotive pour le tourisme en Algérie.» Quarante-quatre ans après un départ précipité et massif, les pieds-noirs redécouvrent avec une nostalgie toujours vivace le pays qui les a vu naître et bercé leur jeunesse. Depuis quatre jours, 370 touristes sillonnent les quartiers d'Alger, Tipasa ainsi que d'autres wilayas du pays. Ces pèlerins sont pour la plupart des natifs d'Alger, de Tipaza et de Bouira. Ils se sont rendus au niveau du quartier de Bab El Oued et ont visité les cimetières chrétiens où sont enterrés leurs parents. En croisière sur le «Princesse Danae», un bateau portugais, ces pieds-noirs ont été accompagnés, lors de ce séjour algérois, par Voyage Plus, une agence de voyage algérienne qui se spécialise dans un créneau touristique nouveau en Algérie: les croisières. «J'espère que ce type de voyage constituera une locomotive pour le tourisme en Algérie», a souhaité M.Adjmout, un des organisateurs de cette croisière. «Ils reviennent pratiquement chaque six mois et j'ai remarqué que de plus en plus, ils viennent avec leurs familles, leurs enfants et petits-enfants», a fait remarqué M.Adjmout. La tendance du retour en pèlerinage des pieds-noirs en Algérie s'est accélérée depuis ces deux dernières années. Un climat politique plus favorable, la mobilisation d'agences de voyage et du secteur du tourisme ainsi que le rôle des associations ont contribué au renforcement de cette tendance. Ainsi plusieurs groupes de pieds-noirs, dont un bon nombre de confession juive, ont effectué des voyages similaires vers l'Algérie. Rien qu'à l'ouest du pays, on enregistre, selon des chiffres non officiels, plus de 3000 séjours. Encadrés par des agences de voyage locales en collaboration avec des réseaux en France et en Espagne, ces touristes-pélerins effectuent souvent, à leur demande, des virées vers les villes où avaient vécu leur parents, leurs grands-parents ou dans des quartiers où eux-mêmes ont grandi. Le but de ces virées est souvent un retour sur les traces du passé: retrouver ses souvenirs d'enfance et de ses ancêtres. C'est également une occasion pour visiter les lieux de culte aussi bien chrétien que juif. Ce pèlerinage, sans bruits politiques et sans considérations idéologiques, a pris forme grâce à la région Paca. En 2004, elle a financé un voyage pour le retour de 300 pieds-noirs, notamment à Oran et l'initiative a donné naissance à l'association France Maghreb. Un an plus tard, en 2005, 130 pieds-noirs juifs ont effectué un pèlerinage à Tlemcen. Avec la collaboration de l'ambassade d'Algérie en France, le voyage est organisé par «La Fraternelle», une association regroupant quelque 1300 juifs natifs de Tlemcen. Les pieds-noirs sont de plus en plus nombreux à penser qu'il est temps de faire connaître et d'exhiber les relations fraternelles qui existent entre les deux peuples. Par leur histoire intimement liée à celle d'Algérie, ils constituent un relais de la mémoire algéro-française. Une des tranches de cette histoire reste très peu connue dans les manuels: en quelques mois, entre la fin du printemps et septembre 1962, 900.000 Français, Européens et Juifs, quittèrent le pays dans une situation de chaos et de désespoir. Selon certains historiens, cet exode fut le plus important transfert de populations depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui en Europe.