L'Expression : Le président de la République a ordonné de modifier le système de travail au sein des ports, selon les normes 24h/24h. Comment cela peut-il se traduire sur le terrain ? Abdelghani Benamara : En premier lieu, il faut saluer cette importante prise de décision du président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Cette décision forte illustre toute la volonté et la détermination du premier magistrat du pays, à renforcer les ports afin qu'ils puissent jouer leurs rôles majeurs dans l'économie du pays. Le changement du système de travail selon les normes 24h/24h doit avoir des effets immédiats, en améliorant l'accessibilité et l'accueil des navires et des marchandises, la réduction des coûts logistiques et des délais associés à l'importation et à l'exportation de marchandises. Ce qui accroîtra la compétitivité des produits exportés et fera baisser les prix de ceux importés (économie des devises et préserver les réserves de change du pays). Toutefois, cette mesure doit être accompagnée d'un plan d'acquisition d'équipements adaptés pour répondre aux besoins d'un service portuaire opérant 24h/24h. Il faut savoir que le commerce mondial croissant a accru davantage la demande de composants d'équipement portuaire plus rapides, plus fiables et aux meilleures performances. L'Etat doit nécessairement renforcer sa politique d'infrastructures portuaires, à travers des investissements dans la capacité des installations portuaires, permettant de traiter des volumes de marchandises plus importants et d'assurer des opérations plus fluides et plus rapides. L'adoption de technologies numériques avancées permet aussi de rationaliser les processus, de réduire la paperasserie et d'améliorer l'échange de données, ce qui accroîtra l'efficacité des opérations.
Quel impact sur le rendement des ports algériens ? L'impact sera considérable. L'objectif primordial étant l'amélioration des performances de nos ports. Il faut savoir que plus de 80 % du commerce international s'effectue par voie maritime, L'Algérie doit avoir des ports agiles et performants. Plus un port est performant, plus il permet d'attirer des investissements, de soutenir les activités locales, de créer des emplois favorisant ainsi un développement économique durable de nos territoires.
Le ministre des Transports a annoncé la reprise en main des ports secs. Quel est est, selon vous, l'objectif d'une telle opération ? L'annonce de Monsieur le ministre des Transports, Saïd Sayoud pour une gestion publique des ports secs s'inscrit dans la volonté de Monsieur le président de la République de donner un nouvel élan au secteur portuaire du pays. La nouvelle gestion des ports secs prônée par le ministre des Transports devra apporter plusieurs avantages, tels que l'amélioration de l'accessibilité étant donné que les ports secs aident à surmonter les limites de la distance et de l'infrastructure, offrant un accès facile aux routes maritimes internationales, ce qui augmente les possibilités commerciales. Elle permet aussi une réduction des coûts et du temps, en éliminant la nécessité pour les marchandises de voyager directement des ports maritimes vers des zones intérieures éloignées, les ports secs économisent du temps et des coûts associés au transport. Cela rend le commerce plus efficace et plus économique. Il y a aussi l'amélioration du commerce national, permettant aux ports secs d'assurer une répartition uniforme des marchandises dans l'ensemble du pays, ce qui favorisera le commerce et le développement régional. Ils agissent comme des plaques tournantes pour le stockage, la consolidation et la distribution, permettant des activités commerciales plus fluides et plus organisées.
Comment cela pourrait-il désengorger les ports algériens ? Il faut impérativement tirer les leçons des gestions précédentes des ports secs. En effet, à l'origine de la création des ports, subsistait la nécessité de désengorger les ports et de réduire les délais d'attente des navires en rade. La congestion a un impact énorme sur le coût logistique quand les durées d'attente des marchandises sont longues. Le port sec trouve donc sa vocation de décongestionnement des agglomérations portuaires, les différents opérateurs pouvant libérer de l'espace pour leurs opérations et confier leurs flux logistiques à une plate-forme de stockage. De même qu'ils peuvent se conjuguer avec des plates-formes spécialisées destinées à l'import-export. La nouvelle gestion portuaire des ports secs devra donner lieu à de véritables "Pôles logistiques" avec des services connexes, notamment le dédouanement et inspections sanitaires, désinfection, pesage, entreposage, empotage- dépotage, packaging, ainsi que toutes les opérations courantes post portuaires.
Pensez-vous que les ports secs aient besoin d'une nouvelle redéfinition ou d'une nouvelle dynamique, afin d'éviter les erreurs passées ? Absolument, les ports secs ont vraiment besoin d'un nouveau plan structurant avec la condition d'inclure cette fois, obligatoirement de nouvelles infrastructures complémentaires qui doivent être adaptés à l'ensemble des modes de transports, dont le rail, la route, le multimodal pour devenir de véritables sites intermodals situés à l'intérieur des terres. La nouvelle redynamisation des ports secs doit permettre d'argumenter le nombre croissant de trains de marchandises (transport combiné rail-route), notamment des conteneurs, des automobiles, de biens et d'équipements et des matières premières en vrac. Les ports secs doivent proposer des services similaires aux ports classiques, voire plus comme la manutention, l'entreposage de façon à apporter des avantages en termes de réduction de la circulation des conteneurs entre le port maritime et les zones de livraison. Ils doivent remplir, notamment les fonctions de regroupement/éclatement des conteneurs et de leur stockage à court terme dans l'arrière-pays. Les ports secs doivent devenir essentiels aux ports maritimes dans l'objectif de réduire leur congestion et d'agrandir leur hinterland. Il faut savoir que dans le monde, les ports secs qui ont une fonction d'interface entre sa façade maritime et son réseau de villes industrielles à l'intérieur du pays, se développant le long des corridors de développement, représentent une grande importance pour notre économie nationale (création d'emplois, activités logistiques...) et de véritables poumons économiques. Le port sec constituera dans cette logique, un acteur de l'aménagement logistique entre le développement local et l'insertion de l'Algérie dans les régions Afrique, Méditerranée voire dans la mondialisation. Il sera le cœur de l'essor des plates-formes logistiques et des ports avancés dans le pays avec la multiplication et l'élargissement des axes de transport. De même qu'il constituera l'équipement central des zones industrielles, en stimulant durablement la croissance économique des villes. La transformation de nos ports secs actuels en " Inland Ports XXL'', c'est possible. En Algérie, nous avons les compétences et les ressources humaines, ainsi que les moyens indispensables.
Les ports algériens ont-ils besoin d'une nouvelle stratégie de travail pour faire face à la concurrence régionale et mondiale ? Absolument. J'appelle de tous mes vœux, Monsieur le ministre des Transports pour la création du "port algérien du futur" : un équipement logistique performant indispensable au service du développement industriel et commercial de notre pays, qui ambitionne de renforcer sa position géostratégique au niveau régional et international. En conclusion, je formule mon souhait de créer un grand institut des ports et des transports maritimes internationaux algériens, placé sous la tutelle du ministère des Transports, afin de former l'élite du secteur portuaire et maritime de demain.