L'Expression: Vous êtes devenu un pro de l'actualité algérienne et un fervent défenseur du nouveau modèle économique algérien. Comment expliquer cet intérêt? Marc Mauco: L'Algérie, c'est plus qu'un simple sujet d'intérêt pour moi, c'est une vraie connexion émotionnelle. Comme vous le savez, mon épouse Monia Mauco est algérienne, mes 3 enfants ont la double nationalité, et depuis 15 années, je me suis plongé dans la réalité de ce pays pour en comprendre les rouages, les opportunités et les défis. Mais au-delà du lien personnel, ce qui m'a captivé, c'est le potentiel énorme que je vois ici. En tant qu'entrepreneur à l'international depuis plus de 25 ans, j'ai connu des réussites, des échecs, et surtout, j'ai appris à identifier les marchés en pleine transformation, ceux où les vraies opportunités se créent. Et l'Algérie est exactement dans cette dynamique. Il y a un vrai tournant qui est en train de se jouer: une jeunesse prête à suivre des modèles de réussite, une volonté politique d'accélérer la diversification économique, et un marché qui commence à s'ouvrir à de nouvelles perspectives. Mon engagement n'est pas idéologique, il est pragmatique. Je vois une Algérie qui a tout pour réussir, mais qui a besoin d'acteurs visionnaires, audacieux et bien connectés pour accélérer cette transformation, c'est exactement là où je me positionne. Comment évaluez-vous la politique de Tebboune concernant le plan économique, politique, diplomatique, etc.? Il faut être honnête: depuis l'arrivée du président Tebboune, il y a une volonté claire de mettre en place des réformes de fond, il y a un avant et un après 2019, l'Algérie de demain se construit aujourd'hui. Sur le plan économique, la priorité a été donnée à la diversification et à l'attractivité des investissements. La nouvelle loi sur l'investissement, la montée en puissance des exportations hors hydrocarbures et la simplification de certaines démarches administratives sont des signaux de confiance encourageants pour les investisseurs binationaux et étrangers. Mes clients voient d'où qu'ils soient le potentiel et les opportunités qu'offre l'Algérie, mais il y a toujours des doutes et des peurs issues pour la plupart de «on dit que...» que je m'efforce d'atténuer par ma présence sur le terrain et ma confiance en l'avenir de L'Algérie. Bien sûr, tout n'est pas parfait, il y a encore des freins bureaucratiques, mais on sent une vraie dynamique. Au plan diplomatique, l'Algérie a repris une place stratégique sur la scène internationale. Elle ne se contente plus d'un rôle passif, elle affirme ses positions, que ce soit en Afrique, dans le monde arabe ou dans ses relations avec des puissances comme la Chine et la Russie. Comme j'aime le dire, avant elle était entendue, maintenant elle est écoutée. Politiquement, c'est plus complexe. Il y a des avancées, des blocages, des attentes de la population qui sont encore fortes. Mais si on prend un peu de recul comme je le fais, on voit une Algérie qui bouge, et c'est ça qui compte. Les vraies questions, c'est comment accélérer ces réformes et comment faire en sorte que cette transformation économique soit conscientisée par la population. Pensez- vous que l'Algérie est sur le bon chemin? Quels en sont les indicateurs d'après-vous? Honnêtement, oui. L'Algérie avance et les mentalités évoluent. Il suffit de regarder l'énergie qui se dégage ici. Les entrepreneurs algériens, notamment les jeunes, sont pleins d'idées et d'ambitions. Il y a un foisonnement incroyable dans les secteurs du digital, de l'agriculture saharienne, des services et même de l'industrie. L'Algérie n'est plus ce pays qui attend uniquement de vendre son gaz et son pétrole. Elle est en train de bâtir une économie plus résiliente. Bien sûr, tout n'est pas encore fluide. Il y a encore trop de lourdeurs administratives, des réformes qui prennent du temps, et une mentalité qui doit encore évoluer sur certains aspects. Mais pour avoir vu des pays se transformer en profondeur, je peux dire que l'Algérie a tous les bons ingrédients pour devenir un acteur majeur en Afrique et au-delà. Comme j'aime à le répéter, c'est aujourd'hui qu'il faut se placer en Algérie, dans 3, 4 ans se sera trop tard, c'est maintenant qu'il faut poser les fondations pour garantir les réussites de demain. Oui, l'Algerian Dream existe pour celui qui aura compris que pour réussir en Algérie, il faut être motivé persévérant et patient. Avec force et détermination. La brouille diplomatique entre l'Algérie et la France a démontré l'ampleur du travail qui reste à faire pour réconcilier cette mémoire occultée et révéler cette prise d'otage de la France par des lobbys puissants. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? La relation entre l'Algérie et la France est l'une des plus complexes du monde, marquée par une histoire lourde et des intérêts stratégiques qui dépassent souvent les discours officiels. La mémoire coloniale reste une plaie ouverte, et tant que cette question ne sera pas traitée avec sincérité par la France, il y aura toujours des tensions. Ce qui est intéressant dans cette brouille diplomatique, c'est qu'elle a mis en lumière le poids des lobbys et des cercles d'influence en France qui veulent maintenir une posture néocoloniale vis-à-vis de l'Algérie. Pourtant, les réalités économiques et géopolitiques ont changé. L'Algérie n'est plus le pays à qui on peut dicter une conduite, elle s'affirme de plus en plus comme un partenaire incontournable. Il y a un travail de fond à faire pour réconcilier, non pas les peuples, mais les nations et dépasser cette mémoire douloureuse. Or, cela passe par une nouvelle génération d'acteurs politiques et d'opérateurs économiques, capables de construire une relation basée sur des intérêts communs et non sur des rancoeurs historiques. Les nouvelles générations algériennes et franco-algériennes attendent autre chose qu'un éternel débat sur la colonisation: elles veulent des opportunités, du développement et des échanges gagnant-gagnant. Comment percevez- vous cette crise en tant que Français? Cette crise, je la vois avec beaucoup de lucidité. Parce qu'elle est avant tout politique et médiatique, et non populaire. Je suis français, et je le dis haut et fort, chaque jour, à travers mes réseaux sociaux, que la relation entre nos peuples est bien plus forte que ces tensions diplomatiques alimentées par certains agendas. Quand on regarde les choses avec du recul, qui pousse réellement à la rupture? Quelques personnalités politiques, quelques médias qui cherchent le buzz, qui manipulent l'opinion... Mais pas les Français, pas les Algériens. Sur le terrain, l'Algérie et la France sont liées. Liées économiquement, humainement, historiquement. 6 millions de personnes de la communauté algérienne en France, des échanges commerciaux qui explosent malgré les discours de tension, des intérêts communs dans des secteurs stratégiques comme l'énergie, l'industrie, l'agriculture... Ce que je vois, c'est une Algérie qui avance, qui prend confiance, qui affirme sa souveraineté. Et je vois une France qui, au lieu de voir cette évolution comme une opportunité, semble parfois la vivre comme une menace due à son passé colonialiste! Moi, je crois aux ponts, pas aux murs. Et je continuerai à oeuvrer pour que les entrepreneurs, les investisseurs, les opérateurs économiques des deux rives trouvent des opportunités, plutôt que de se laisser enfermer dans une guéguerre stérile.