Dix-huit heures trente minutes GMT, à la place de l'Emir-Abdelkader, coeur battant de l'Algérois, la lumière douce du crépuscule envahit lentement les rues d'Alger. Une demi-heure avant l'appel à la prière, le calme règne dans ce vieux quartier de l'Algérois, comme suspendu entre l'agitation du jour et la sérénité du soir. Les ruelles, presque désertes, témoignent de l'approche imminente à l'appel du muezzin, un moment où la ville semble ralentir, se préparer à un rituel quotidien. Deux jeunes, les mains serrant des tasses de café, marchent lentement, comme s'ils savouraient chaque instant. Ce sont des natifs du quartier, connus des lieux et des visages, familiers du décor qui entoure leur quotidien. Leur marche tranquille contraste avec l'agitation d'un groupe d'hommes plus loin, pressés en direction de l'esplanade de la Grande Poste. Les hommes, visiblement dans une situation de précarité, se hâtent, un peu comme s'ils cherchaient à atteindre un objectif vital, une place, aux deux gigantesques table d'iftar décorées de repas copieux à se partager au coeur de la capitale. L'un d'eux, sans se départir de son calme apparent, s'arrête brusquement et lance à ses compagnons: «Pourquoi vous courez? Je vous ai dit qu'il y aura des places pour tout le monde.» Sa voix ferme s'élève dans l'air frais du soir, comme un appel à la patience, un rappel à la solidarité qui caractérise cette période de l'année. Ce groupe d'hommes, parmi d'autres, s'apprête à participer à l'iftar collectif organisé chaque vendredi par l'APC d'Alger-Centre. Des milliers de personnes ont participé à l'iftar collectif, organisé de la place de la Grande Poste à la place Maurice-Audin. La table était toute prête à l'arrivée de nos amis. De nombreux bénévoles ont pris part au dressage. Cet événement, qui attire des milliers de participants, est devenu une véritable tradition, un rituel de partage qui incarne l'esprit de la ville pendant le mois sacré. Ce phénomène, loin de se limiter à un simple événement gastronomique, est l'occasion pour des centaines de familles, des travailleurs, des jeunes et des retraités de se retrouver dans un même élan de solidarité. Ici, il n'y a pas de distinction entre les riches et les pauvres, les jeunes et les anciens. Même les étrangers y ont pris part. Un groupe de jeunes hommes danois ont fait part de leur appréciation face à l'esprit de solidarité. «C'est extraordinaire comme événement, la convivialité et l'hospitalité des Algériens est vraiment marquante», dira l'un d'eux. Un autre renchérit: «Nous sommes même étonnés de découvrir les plats traditionnels algériens et les nobles valeurs de l'islam.» Cette initiative vise à rassembler un maximum de familles algériennes autour d'une même table. Elle a également pour but de mettre en avant les valeurs de solidarité et d'entraide au sein de la société. Les familles présentes à cet iftar ont d'ailleurs exprimé leur satisfaction face à cette initiative qui leur permet de vivre un moment de partage et de chaleur humaine. De nombreuses personnes ont souligné l'importance de ces rassemblements, qui reflètent l'esprit du Ramadhan et renforcent les liens entre les citoyens. Pour beaucoup, cet iftar collectif est bien plus qu'un simple repas, c'est une tradition qui incarne la solidarité et l'unité de la société algérienne. La nourriture est assurée, dans d'autres «guichets de la survie», notamment à Bab El Oued. De nombreux restaurants ont ouvert grand leurs portes pour offrir des repas chauds à consommer sur place ou à emporter. Ils ont ouvert depuis le début du mois sacré. Chaque jour, un afflux notable de personnes issues de différentes catégories sociales se rend dans ces établissements pour bénéficier de cette aide précieuse. Les restaurants de la Rahma sont dédiés à assurer des repas chauds aux voyageurs de passage, aux sans-abri et aux populations vulnérables. Certains ont été lancés grâce à l'initiative de bienfaiteurs et d'acteurs associatifs locaux, tandis que d'autres été créés par des restaurateurs engagés.