C'est, tout compte fait, un bon moment de défoulement que se sont «offert» les magistrats de l'Est, réunis jeudi dernier à Constantine à l'appel du SNM de Tayeb Louh. Eux qui sont soumis à la lourde obligation de réserve ont profité, en effet, de cette «récréation» pour se lancer dans des diatribes contre le «pouvoir exécutif». Et là, les nombreux intervenants n'ont pas lésiné sur les mots pour s'insurger notamment contre l'«ingérence» de la chancellerie comme ils dénonceront, en filigrane, la «campagne de moralisation» de l'appareil judiciaire. En fait, la rencontre de jeudi dernier, la troisième du genre après celles organisées dernièrement à Alger et Oran, a été surtout l'occasion pour les magistrats suspendus de s'élever publiquement contre les «mesures arbitraires» décidées par la tutelle. C'est le cas d'un magistrat exerçant dans une petite ville de l'Est qui «après un complot tribal tissé par un citoyen et ses avocats se retrouve suspendu depuis neuf mois». C'est justement cette durée indéterminée de suspension qui a courroucé bon nombre d'intervenants, lesquels ont solennellement exigé la «réintégration des magistrats suspendus». Mais il fallait attendre le «réquisitoire» d'un juge de Guelma pour que la salle des délibérations du tribunal de Constantine, jusque-là bien silencieuse, s'enflamme. Il faut dire que l'intervenant a prononcé le mot consensuel, juste ce qu'il fallait pour «réveiller» ses consoeurs et confrères. «Nous revendiquons urgemment notre droit à la grève», martèle-t-il. La salle applaudit longuement. Dans la foulée, il estimera que «tant que la situation professionnelle d'un magistrat dépend d'une enquête policière, il n'y aura pas de justice». De nouveau la salle exulte. D'autres intervenants ont plaidé pour l'indépendance totale de l'appareil judiciaire, la désignation d'un juge à la tête du ministère de la Justice et le boycott des élections de renouvellement du bureau du Conseil supérieur de la magistrature. Il a été même question de boycotter les commissions électorales, autrement dit, de bloquer les prochaines élections, si, entre-temps, le texte régissant la magistrature n'est pas mis en application. Le SNM (Syndicat national de la magistrature) revendique la promulgation du nouveau texte relatif au statut des magistrats, une amélioration de la situation socioprofessionnelle des juges conformément aux recommandations de la Commission nationale des réformes de la justice (CNR), et la réintégration des magistrats suspendus.